31 décembre 2010

2011, au coin du feu

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Bon, quel bilan tirer de cette année pourrie ?

2010 aura au moins le mérite d'avoir révélé avec de moins en moins de détours (à condition bien sûr de décoller le nez de son Koh-Lanti et de son Voissa) la vraie nature des puissants, l'inkarcherisable dévotion de leurs laquais et la déconnexion satisfaite des deux avec leurs sujets. 

Pour cacher les désastres de sa politique antisociale, ses millions de chômeurs inconnus et ne pas extirper de leurs certitudes ouatées les « golden retraités » pour qui ce pays est pensé[1]le pouvoir aura poussé loin le flirt avec le pire du genre humain, consacrant ses efforts à transformer nos craintes sociales en une peur de notre prochain. La télé, trop souvent fenêtre unique d'ouverture sur le monde et la rue d'à côté, aura enrobé de son onctueuse information à sens unique le spectacle du chaos, virant à la notice pour scouts sur certains canaux. Souhaitons pour 2011 que tu te débarrasses enfin de ton poste à images (moi, grâce à la hausse de TVA,  c'est ce que je vais faire).

Des raisons de se satisfaire de 2010 ? Une principale, fragile. Malgré un bruit de fond médiatique parasitant la raison par 1001 polémiques à la con, 2010 marque également le retour (timide) de la lutte des classes dans les conversations à la machine à café et la réapparition de ce clivage que l’on croyait à jamais disparu sous la couverture plombée du consensus résigné : gauche et droite. Souhaitons pour 2011 que certaines têtes de gauche en prennent conscience. 

Autour ? Sans généraliser tout en restant optimiste (mes deux principales qualités avec la modestie) : ça vire au boudin. L’Europe dérape, la rigueur décape et les peuples dérouillent. Ils se divisent entre trois : ceux qui croient toujours, ceux qui tremblent encore, ceux qui gueulent, mais pas assez forts. Souhaitons pour 2011, qu'ils s'entendent enfin.

Tandis que La Chine impose sa way of lie, l’Europe navigue à la godille à proximité du gouffre en se raccrochant aux apparences flamboyantes du lustre ancien. Et si l'on doit retenir une date de cette année qui s'annonce fracassante, le 1er janvier 2011 en est une excellente. Demain, entrera officiellement dans notre épanouissante zone, son nouveau pays le plus pauvre : l'Estonie (et son mirifique salaire minimum de 278 euros qui fait triquer). Souhaitons pour 2011, ne pas devoir nous aligner sur les autres "qui ont compris la nature des efforts à faire pour s'en sortir"TM.

D'ailleurs, tant que peux t'acheter des voitures en morceaux, de la maison en traites et que tes mômes ont leurs tablettes graphiques, conçues en Amérique et fabriquées en Asie, déposées en triple au pied du sapin, tout ira bien. Merveilleux esprit de noël autorisant les ménages sans argent, corrompus par l'abondance à débit différé, à s'ébattre sans discrétion dans les crédits sans fond au moment où le gouvernement leur rabâche qu'un tel endettement, au niveau de l'Etat, c'est étouffant. Souhaitons pour 2011 que les nouvelles baffes fiscales te poussent enfin à réfléchir sur cet insatiable désir de consommer.

Heureusement pour tous, le mot magique de "crise" est là pour ton efficiente mise au pas. La criseTM n'est pas la raison de "la rigueur" mais le nouveau système d'exploitation pour t'aider à mieux vivre ton malheur. Pour toi la criseTM est un traitement, pour eux c'est une belle vague à surfer. Souhaitons pour 2011 que tu te débarrasses de ce mot destructeur.

Si les éditocrates continuent de servir la soupe aux puissants ainsi qu'à la population tampon de la bourgeoisie intermédiaire qui, à la différence de toi, vote tout le temps et tout le temps pareil[2], quelque chose en 2010, un truc quoi, s'est, pour la première fois depuis longtemps, grippé dans la machine à soumission collective (la montée en puissance d'un conflit que tout le monde pensait réglé avant la première lutte, le succès des pamphlets et l'écho croissant des appels à la révolte....).  Souhaitons pour l'année qui vient, l'affirmation "décomplexée" (pour reprendre le cri conquérant des rétrogrades) de cette tendance. 

2011 ? Année de transition entre le moins bien et le pire pour un peuple dans la nuit, paralysé par les phares aveuglants du bolide sans freins qui lui fonce dessus ? Comme on dit chez les laquais (1,25 euro le SMS + surcoût éventuel opérateur) : a vous de juger. Comme on le répète souvent ici : à nous de prendre un autre chemin.


Bonus : 
On me signale la tonalité sombre de cet ultime billet de l'année. Réparons la lacune. Certes ces voeux datent de 1978 mais... remplace Desproges par Pujadas, Le Luron par Le Parfait, Zitrone par Alain Duhamel, Jean Lefebvre par Frédéric, Philipe Castelli par François Fillon, Jean Carmet par Copé, Denise Fabre par Christine Lagarde, Le décor par Rama Yade et Michel Drucker par Michel Drucker et ils se révéleront d'une stupéfiante modernité.





[1] le temps de leur faire les poches.

[2] souhaitons à ce propos pour les élections de 2011 que tu te sois inscrit sur les listes électorales avant le 1er janvier.

28 décembre 2010

Le noël du fan et du naïf

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C'est noël, le fan et le naïf se retrouvent au pied du sapin avec un verre de vin chaud et, même si c'est un peu tôt, des voeux d'alternance pour 2012 plein la tête.

Le Fan lui tend un paquet-cadeau. 

LE FAN
- C'est pour toi.

LE NAÏF (déballe son paquet rose)
- Oh merci c'est gentil... Bon à propos, DSK se présente ou pas ?

LE FAN
- Plus il se présentera tard, mieux ce sera. S’il quittait la présidence du FMI maintenant, Le Monarque utiliserait cela contre lui : « déserter en pleine crise, c’est irresponsable !».

LE NAÏF
- En même temps, comme tout le monde le lui reproche... d’être au FMI.

LE FAN
- Je sais... c'est un sale boulot mais quelqu'un doit s'y coller. Les gens oublient qu’il n' y est pour rien. Ce sont les pays qui décident comment appliquer les plans de rigueur. 

LE NAÏF
- Ouaip, va faire voir ça chez les Grecs tu seras bien accueilli… 

Le naïf a enfin déballé son paquet : un manuel d'initiation.

LE NAÏF
- Oh  ! "Bluff, gains et martingales : tout savoir sur le poker". Merci man, je ne joue pas mais c'est sympa... Tiens j'ai ça pour toi.

Le naïf lui tend à son tour un livre dans un paquet rouge.

LE NAÏF 
- Tu sais ce qu'on dit... Il attendrait d'en savoir un peu plus sur la tournure des évènements en Europe pour se présenter ou non, parait que y'aurait des effluves de fromage qui pue dans la clim' des agences de notation. En attendant, partout où je vais, on me parle chômage, obscénités salariales à la hausse et à la baisse, intolérables situations de mal-logement et, malgré les déceptions passées, flotte encore l'espoir que les socialistes se mobilisent sur ces sujets. Même si je ne te cache pas que leur attitude au moment et après la bataille des retraites est... déconcertante. Tu sais, c'est marrant : les mêmes me parlent de plus en plus de Mélenchon.

LE FAN (déballe son paquet rouge, probablement un livre)
- Oui, oui Mélenchon...  Les électeurs du Front de Gauche se reporteront sur le candidat socialiste au second tour. Toi aussi tu y viendras. La détestation de l'autre est plus forte que toi.  Il est drôle  Mélenchon à demander si on appellerait à voter pour lui au second tour : ça n'arrivera pas.

LE NAÏF
- Le mépriser ouvertement comme cela : en plus de prendre en otage ses électeurs, c'est leur indiquer que les socialistes ne bougeront pas d’un cheveu la ligne actuelle...  Autrement dit : pourquoi s’embêter à ne pas décevoir la gauche alors qu'il y a tant d'électeurs de droite à récupérer ? Pas mal le calcul.

LE FAN
-  Il a le beau jeu Mélenchon. Il a compris un truc : l’époque est porteuse pour celui qui joue la carte des "petits contre les gros". Il est brillant, mais ça manque un peu de sérieux tout ça, m'enfin. 

LE NAÏF
- Oui, tu as raison les gens sont chiants avec leurs revendications, leurs injustices, leur colère toussa.

LE FAN
- On ne dit pas les gens. C'est du populisme. Les gens, ils aimeraient bien que l’on augmente les salaires mais ils le savent que c'est impossible. Où trouverait-on l'argent ? Ils sont raisonnables les gens. T’inquiètes, quand il se présentera y’aura des surprises de gôche pour les gens.

LE NAÏF
- Ah… donc DSK va se présenter.

LE FAN
- Ah euh mais non… ne me fait pas dire ce que je n’ai pas dit.

LE NAÏF
- Et internet ? Tu sais qu'il est encore plus détesté que Le Monarque sur Internet ?

LE FAN
- Oui mais les attaques sont grossières… Notre homme est la meilleure défense anti-Monarque. Il ratisse large au centre et c'est ça qui compte.

LE NAÏF
- Et l’extrême droite, t’y as pensé ?

LE FAN
- Si le FN monte, c’est surtout un problème pour la droite.

LE NAÏF
- T’es bien sûr de toi. Tu n'as pas peur que… 

LE FAN
- Aucun risque. Au fond les gens se moquent de la politique et de qui sera le candidat socialiste

LE NAÏF
- C’est vrai. Ce qui compte c'est de les persuader qu'il ne peut en rester qu'un.  Et puis l'important c’est le programme hein… D’ailleurs le programme…

LE FAN
- Bah… euh… ça se construit…

LE NAÏF
- Comme le candidat quoi...

Le fan termine de déballer son cadeau.

LE FAN
- Oh les mémoires de Jospin en coffret deluxe avec miniatures intégrées de l'urne, de l'isoloir et du bulletin de vote non utilisé ! Merci.... fallait pas.



25 décembre 2010

Paris sans voitures ? Bah, ouais.

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Billet garanti 100% sans "épisode neigeux jouant les trouble-fête" ni "miracle de noël, de Bethléem à Cdiscount."

Hashtable, (blogueur libéral mais de talent), stigmatise la dernière trouvaille de la Mairie de Paris en matière de régulation du trafic : la mise en quarantaine des 4X4 et des vieux véhicules diesel. Il affirme que c’est là une attaque socialiste supplémentaire faite aux pauvres, peu à peu chassés de la ville au profit du "bobo" CSP++ (célibattant et bisexuel, abonné de l'épicerie de la fibre et fan du thé aux figues, ayant négocié la garde des enfants un week-end sur trois). 

Bon, zut, je suis en partie d’accord avec lui. A ceci près que…

1 / Du "pauvre" à 4X4 ou grosse voiture à Paris, moi je n'en connais pas. Il doit probablement faire allusion à  la "classe moyenne" QSP+ (qui se la pète +).

2 / Ces classes moyennes n’ont pas déserté Paris le flingue sur la tempe. Elle ont eu une grosse envie d’acheter plus grand et les banques leur ont permis. Cette fuite a  précédé l’arrivée des socialistes à l'Hotel de ville, et bien plus encore la hausse de l’immobilier de la capitale (elle a contribué à la renforcer). Depuis 15 ans et la montée des thématiques vertes, chacun veut consommer du « meilleur cadre de vie ». Manque de bol, chacun vénère aussi sa bagnole (vite, vite la prime à la casse se termine le 31 décembre) et son pavillon individuel (cool, cool, le PTZ+ commence le 1er janvier). Chacun s’éloigne ainsi toujours plus loin de son boulot et tant pis si, lors de ses deux heures de bouchon quotidien  (2 pour madame et 2 pour monsieur), il faut gueuler sur les autres « chacun » qui ont eu la même idée géniale.[1] 

3 / Le concept de "bobo" est à peu près aussi fourre-tout que celui de "classe-moyenne", l'un et l'autre s'interpénétrant sauvage au niveau des valeurs. A Paris plus qu'ailleurs, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont de l'argent et ceux qui les subissent. 

4 / Même si certains choix Delanoesques sont contestables, voire criminels (ex : la circulation à double sens pour les vélos), je doute que la droite dispose d'un meilleur plan. 

(1926 : embouteillage, Place de la Concorde)

5 / Si  l'engorgement de la banlieue parisienne est en partie expliqué ci-dessus (le gros du bordel aux abords de Paris provenant de ce nombre croissant de types proprios à Chartres alors qu'ils bossent à Marne-La-Vallée), l'habitué des déplacements dans Paris relativisera le problème

Conséquence de son étroitesse et d'une voirie conçue avant l’invention du moteur à explosion[2] : A Paris, chaque moyen de transport, marche à pied[3] incluse, (hormis le métro dont la pénibilité se suffit à elle-même) devient l’ennemi de l’autre

Le piéton[4] hurle sur la voiture qui peste sur le motard qui crache sur le camion klaxonnant sur le piéton.  

(1951 : embouteillage, Place de la concorde)

Ajoutons à cela, quelques spécialités locales…

1 / La légendaire incivilité du parisien,  à base de « mais fais gaffe où tu fous tes pieds connasse ! », au moment où le type grille le feu rouge et manque d'écraser la mère de famille et ses deux enfants. Un classique.

2 / Cette sempiternelle camionnette, se garant en double file vers Barbés pour faire sa livraison, qui, au terme d'un effet papillon tout en hurlements[5] et entorses au code de la route[6], finira par provoquer un carambolage Porte d'Ivry.

3 / Un manque de courtoisie reconnaissable entre 1000 (conséquence de la promiscuité) que, contrairement à ce qu'imagine le fan-club d'Amélie Poulain, le reste du monde ne nous envie point.

4 / Des bancs de touristes s'échouant sur la chaussée, la tête dans le Lonely Planet, tandis que leurs autocars vides sillonnent les boulevards pour ne pas avoir à stationner (de toutes les façons de la place, y en a pas)

5 / La prolifération des chantiers pour l’amélioration de votre quotidien (et engraisser du prestataire privé) avec leurs abruptes obstructions du passage et leurs labyrinthes grillagés bordés de barrières grises et vertes au-delà desquelles on ne voit, qu'une fois le mois, un semblant d'activité.

6 / Une capitale prisonnière d'un absurde périphérique  déjà dépassé le jour de son lancement (à 11.48, sur ce lien) [NDLR : conçu par la droite], le tout dans un pays hypercentralisé...

…et tu obtiens une belle mélasse continue de mauvaise humeur mécanique

Le problème est simple, l'équation connue : plus tu laisses de place à la voiture plus elle occupe l’espace et, au final, tu iras aussi lentement qu'avant en polluant plus. Donc, vu le niveau d'habitants et le peu de surface disponible à Paris : gauche ou droite, décourageons l'automobiliste, pour l'orienter vers d'autres modes de transports (heu... performants et accessibles si possible) ou l'inciter au covoiturage. (La mesure en question, se basant uniquement sur le taux de Co2 émis, ne remet nullement en question l'usage de la voiture individuelle, encourageant même à en acheter une autre.)

(2010 : embouteillage, Place de la Concorde)

Le nouveau vrai gros bazar du trafic intra-muros est le fruit de l'impossible cohabitation entre le camion poubelle, le vélib[7] du cono à l’heil-pod envoyant son texto tout en révisant son TD de russe tandis qu'une armada de scooters zigzague entre les 4X4 des bourgeoises[8] lexomylisées, pendues à leurs Blackbeurie en direction des Galfa pour s’offrir le nouveau Gavalda. Le tout parsemé de piétons déboulant au débotté parmi les voitures[9]. A noter les nouveaux périls 2010-2011 : le gamin en trottinette, les camions publicitaires (qu’on ne peut pas taguer parce qu’ils bougent) et les calèches pour russes friqués avec le sound-system qui crache « ceeeelavieennnnrooooose ».

Un début de solution serait, à mon humble avis, de répartir les moyens de locomotion sur des trajets spécifiquement réservés à chacun (zones pour camions, zones pour bus, zones pour piétons, zones pour voiture) et réapprendre à l'urbain, en plus du civisme, les vertus de la marche à pied.

Paris est, de par sa nature, une plaie pour la circulation et cela restera ainsi, à moins de tout raser et de reconstruire spécifiquement pour la voiture. (Au passage, on fera quelques logements sociaux hein Bertrand ?).

Principal grief à l'encontre de la municipalité parisienne (mais peut-on lui reprocher de défendre son image) : conforter l’idée que Paris doit rester la capitale économique ET culturelle ET touristique de La France, alors que ce pays regorge d'autres sites à visiter et de régions bien plus accueillantes pour entreprendre.

Tant que cette confusion des genres entre précieux village et capitale mondiale persiste, peu importe la couleur politique, aucune amélioration de trafic à espérer. 

La jolie vidéo... où il est prouvé qu'il n'est pas si long qu'on le dit de traverser paname.


[1] C’est à son enthousiasme à endurer toutes les peines du monde afin d'assouvir des désirs dessinés par ceux qui les lui vend au prix fort que l’on reconnaît le véritable esclave. Maître et esclave s’entendent sur ce point : la non-remise en question de leur rapport et des valeurs (marchandes) l'encadrant. Tout ce qui en découle, l’égoïsme, la barbarie, l’injustice sont assimilés par chacun comme les composants indispensables de ce qui « fait société ». Parfois même, les uns et les autres appellent ça de "l’indépendance". 

[2] Pas de jaloux : la province a ses ronds-points à la con, crées en pleine connaissance de cause.

[3] Impossible à Paris : le parcours en ligne droite de plus de 5 mètres sans percuter, au choix, bite en fer, sanisette, colonne publicitaire, terrasse de café dégueulant sur la chaussée, file de cinéma pour le dernier Harry Le potier. Egalement impossible à Paris : un simple déplacement en fauteuil roulant. 

[4] La chignole coûtant un bras et mon bref passage terrestre tendant à l'éradication à la source des facteurs de stress inutile, je me suis débarrassé de cette quintessence tôlée de la réussite sociale à contrat d'assistance renouvelable.

[5] Un après-midi à conduire dans Paris informera l'individu sur sa propension à la tolérance. 

[6] Anecdote observée récemment résumant à elle seule, les flux parisiens :
Une voiture ne trouvant pas de place pour stationner s’arrête sur la voie de bus empêchant l’un d’eux de l'emprunter. Le bus se reporte alors sur la seule voie disponible sans se soucier du cycliste y circulant sans lumière ni gilet fluo. Ce dernier, déstabilisé, tombe de son engin et manque d’être happé sous la roue arrière de l’autocar sous les yeux vaguement concernés des passants. Il tambourine contre la carlingue mais rien y fait : le chauffeur de bus, stressé à l’idée que le feu vert passe à l’orange, continue sa route vers le Boulevard.  
Le plus ironique dans l’histoire ? Ni les propriétaires de scooters, ni le chauffeur de la voiture stationnée, pas plus que le conducteur de bus n’aura conscience du mal qu’il a fait ni des conséquences de ses actes. Si on les avertit, chacun d’eux répondre probablement : "Ce n’est pas de ma faute, c’est l’autre". Quant au cycliste, trois secondes après avoir échappé à la mort, il remontait en sens interdit une ruelle sans visibilité !

[7] Le vélo à Paris : moyen de transport de loin le plus rapide à Paris. Le cycliste parisien : indigence conspuée de tous, dispose la majeure partie du temps d’options aussi risquées les unes que les autres.

[8] Se méfier également de la cruche en Smart. Si la bourge en 4X4 se croit indestructible,  la cruche en Smart se croit invisible, ce qui revient à peu près au même lorsqu'elle percute ton môme à 60 km/h.

[9] soyons honnêtes : le piéton est obligé d’être malhonnête. S'il respecte la signalisation parisienne et les trajets prévus à son endroit, il mettra une demi-journée pour faire 300 mètres.

Extra ball.

Illustration : Roy Lichtenstein
Film : Claude Lelouch, les films 13.

[update : 29.12.2010 01.40. Fabien me précise ce point de taille... "La circulation à double sens pour les vélos dans les zones30 n'est aucunement un "choix delanoësque", mais un décret du 30/07/2008 qui a modifié le code de la route. On le doit à M. Borloo (es qualité Transports) et Mme Bachelot-Narquin (es qualité Santé) notamment. Ce que l'on peut reprocher à Bertrand Delanoë c'est de n'avoir pas appliqué la loi avec discernement, car les maires d'arrondissement pouvaient saisir le préfet de police pour lui soumettre les rues dans lesquelles ils souhaitaient que ce ne soit pas appliqué."]

23 décembre 2010

Télé-coeur

par

« La solidarité est de mise, l’optimisme est de retour. » 
TF1, 20.12.2010

Mardi soir dernier, je découvre une de ces émissions de TF1 conditionnant la classe moyenne à sa précarisation tandis que la petite soeur qui monte l'initie au seul ascenseur social restant : le poker.  

Le concept de "près de chez vousest clair : "des sujets proches des français et de leur quotidien

Sur le site de l'émission, le catalogue des anciens sujets ressemble à un dépliant politique : "bien vivre malgré la crise" (ou comment faire du contenu de ta poubelle, un repas de gourmet), "celibattantes : superwomen ou inconscientes ?" (les deux mon colonel, faut bien qu'elles payent le loyer et fassent des cadeaux à noël) ou encore "vivre ensemble pour vivre mieux" (mais si... en prenant sur soi, on vit très bien en colloc' à 6 dans 12m2)...

Le reportage du soir s'intitule "solidarité : peut-on faire des miracles ?". Il met en avant la dynamique Marie-Anne, présidente de l'association "ça se passe près de chez vous", orchestrant des bénévoles qui  réhabilitent des maisons de familles mal logées. Pour 400 euros et sous 15 jours, en se regroupant et sans compter les heures, ils vont "relever le défi" et relooker la belle maison de bourg, mais pouilleuse à l'intérieur, de Raymond le retraité.


Je devrais être emballé par une telle initiative. Pourtant, avec son côté Ken Loach meets l'auto-entreprise et, son poignant final qui arracherait une larme à une bétonnière, au fil de l'émission je suis assailli de sentiments contradictoires. 

D'abord ça me chiffonne un peu que ce soit une chaîne privée, un poil liée à une institution du bâtiment, qui diffuse ce récit de chantier solidaire (mais sans toucher à la grosse maçonnerie faut pas déconner) où l'angle commercial n'est abordé que sous l'angle d'une enseigne fournissant gracieusement du matériel. 

Durant 30 minutes, nous suivons les péripéties d'un chantier où "les barrières sociales n'existent plus" où l'on cravache dur, de bonne humeur et gratuitement, en plus de son premier emploi (succession de témoignages sur le côté "on doit travailler plus pour que ça rentre dans les temps", le commentaire nous précisant que nous sommes en période de vacances et que "cela risque d’entraver la cadence", vérole de congés payés !). Un monde d'épanouissement dans le labeur collectif (emporté dans son communisme primaire, TF1 nous gratifie même d'un  "c’est le bonheur de travailler avec d’autres"). Et même si les horaires des bénévoles arborant des tee-shirts "que du bonheur !" sont décalés, que la flexibilité est de rigueur et que, parfois, on déjeune seul à 15h32 ("Je mange et je m’en vais bosser juste après pour mon patron") : dans ce monde de camaraderie où les heures de sommeil ralentissent la productivité, les petits problèmes (tuyauterie en rade ou mur qui s'effondre) se règlent toujours avec « ça va le faire, faut pas s’énerver… »  et son gros surplus de travail nocturne à la clé. 
Et hop, lumière !  A charge pour TF1 de me détailler la prochaine fois comment installer l’électricité d’une maison en une nuit, seul,  « et en catimini ».  Ça m'intéresse. 
Bref, la chaleureuse onde de confiance et de désintéressement ferait presque oublier que nous sommes sur une chaîne balançant de la surconsommation à grosse saucée, déverse des millions d'euros à celui qui aura la plus efficiente stratégie individuelle pour éliminer ses concurrents et ne cesse de rabâcher que l'insécurité est au coin de la rue.

Tiens à propos d'insécurité... N’est-ce pas la même chaîne qui depuis des années nous bombarde de reportages sur les malfaçons des entrepreneurs peu scrupuleux, les dérives du travail au noir et ces odieux voisins qui ne respectent rien ?

Non parce que là, se justifiant par un "la vérité, c’est que le chantier est entrain de prendre un retard inquiétant", la voix-off ne s'émeut pas des travaux à trois heures du mat, les fenêtres grandes ouvertes (à croire qu'en France faire péter les décibels sur un chantier et casser les oreilles des voisins est devenu un pilier de l'identité nationale) et nous caresse un "toutes les bonnes âmes sont mises à contribution"  pour présenter le travail des mômes (alors tu vois petit, ça c'est une scie sauteuse) et de ceux sans aucune expérience dans le BTP.

Voix-off : 
« Pour tenir les délais, une décision s’impose : travailler aussi la nuit »
Laurence Parisot vote pour.
Sous l'angle du solidaire qu'est "trop top", plusieurs violences faites au travailleur passent et repassent en toute tranquillité

Verbatim d'un petit dialogue entre le reporter et "une amie professionnelle du bâtiment [...] à la tête de l’escadron du bonheur", qui, expurgé de l'image et de sa pommade musicale, prend tout son sens :   

EXT.JOUR - DEVANT LA MAISON EN CHANTIER - BRUITS DE TRAVAUX
Isabelle se dirige vers le chantier, elle est arrétée par le journaliste qui lui demande ce qu'elle fait ici ?

ISABELLE
« - Hier soir, j’ai appris que je ne travaillais pas aujourd’hui, donc je suis là »

LE JOURNALISTE
« - Ça fait pas un peu beaucoup  de venir dès qu’il y a un petit peu de temps libre ? »

ISABELLE
« - Oh de toutes les façons, du temps on n’en a plus »

Isabelle tourne le dos à la caméra et part dans la fournaise du chantier. En off : montée d'un air au piano, façon feux de l'amour.

VOIX-OFF
« - Hier soir, elle était désespérée, aujourd’hui elle est déterminée. »

A noter, pour une anesthésie efficace, qu'à mesure que "le timing risque de ne pas être respecté"  et que chacun double ses cadences, l'illustration musicale (honteux pompage de Red Hot Chili Peppers) est de plus en plus douce et posée.
Voix-off :
« Dans cette course contre la montre, certains en oublieraient presque de manger »
Sans critiquer l'énergie de la belle équipe (d'autant que je n'en connais que ce que TF1 en montre, c'est à dire 30 minutes montées sur 15 jours d'images tournées), le plus dérangeant reste que "le défi" de nos courageux concerne la réhabilitation d'une maison d'au moins 100m2 dont le commentaire précise en intro qu'elle a été « achetée récemment » par un retraité ayant « sous-estimé » les travaux à accomplir.[1] 

(Bon ok, on a collé les carreaux sans colle, mais à ce prix-là tu ne vas pas te plaindre non plus Raymond.)

Cette porte sur la solidarité et le coeur à l'ouvrage, télé visuellement trop ouverte pour être honnête, agit en combo sur les cerveaux : 

- Sur ce qu'elle montre :  1 / La promotion appuyée du  "faites-le vous-même, même si ce n’est pas aux normes" répondant dans une guimauve filmique à l'ambiant "démerdez-vous les classes-moyenneux, l'Etat ne peut plus rien pour vous et les prix vont continuer à monter" . 2 / tu ne dois pas rester une seule minute à ne pas travailler, et ne commence pas à nous parler d'augmentation alors qu'on voit à la TV que c'est si sympa de bosser pour rien.  

- Sur le fond du problème qu'elle n'aborde jamais : l’achat de taudis mal isolés, pour des montants déraisonnables rapportés aux revenus, par des types soumis à la propagande permanente du "faut acheter" issue des mêmes chaines !  Cela ne risque pas s'arranger avec la généralisation du PTZ+. Nous appellerons cette partie : contribuer à maintenir les prix de l'immobilier à la hausse en esquivant le sacrifice financier initial tout en flattant "la bonne volonté des amis" en "quête de sens" qui, en plus dans leur propre boulot sous-payé, feront de ta maison... une maison habitable.) 

Sans oublier que l'idéal théorique du capitalisme (à moins d'un mensonge, mais je n'ose y croire) serait que tu disposes d'une rémunération correcte te permettant à ton tour de payer des gens pour faire ta déco, et non qu'entre deux pages de réclames pour le crédit, le plus grand groupe audiovisuel européen te fasse l'article du Kibboutz à la sauce Conforama....

Ne soyons pas si négatifs. Se dégage du film un message fort à l'adresse du patronat. Nous avons la preuve par l'exemple que plus on est nombreux à bosser pour remplir un objectif valorisant, plus on l'atteint vite et moins le travailleur est stressé
Le final : les bénévoles sortent de l’ombre, les propriétaires découvrent leur maison rénovée. Sanglots et frise M6 déco. Tout le monde est d'accord : c'est un succès.
As-tu remarqué comment depuis la rentrée comme se succèdent articles (tiens celui-là est pas mal) et reportages pour redéfinir comme "épanouissante", dans le stricte respect des lois du marché nappées de l'onctueux optimisme Chrsitinolagardien, ta vie qui s'enfonce dans le déclassement social ?[2] 

Zut, TF1 a gagné. J'ai hâte de découvrir le prochain numéro de "près de chez vous" dans la France profonde et fauchée, désertée par le corps médical et de moins en moins couverte par les mutuelles :

"Se faire enlever gratuitement sa tumeur au cerveau par son beau-frère ostréiculteur, est-ce risqué ?" 

J'ai déjà une petite idée de la réponse.


* * *

[1] Signalons que dans le cadre de la LOPPSI 2, l'article 32ter A, voté le 21 Décembre 2010, autorise aux maires et préfets - pour "la sécurité", l'expulsion manu-militari, sous 48 heures, sans droit de la défense et sans jugement, sans aucune obligation de relogement ou d'hébergement, de ceux se logeant par leurs propres moyens et selon leurs convictions (caravane, cabane, maison en bois, squat, yourte... qualifiés  "logements illicites"). Là aussi, ça se passe près de chez vous...

[2] Dans un genre orienté "information", nous gardons encore le souvenir ému d'un "Envoyé Spécial" de  novembre dernier présentant le chômage de masse chez les jeunes comme une opportunité permettant de "se redécouvrir", "une nouvelle tendance de crise" (à l'instar de la "zéro euro attitude" à l’effigie de laquelle on va bientôt demander aux enfants malaisiens de tricoter des housses d'heil-pod), un "truc in" à laquelle s'adonne depuis peu des millions d'américains. Alors que notre bonne vieille  contrée toujours à la traîne, cela fera bientôt deux générations que les jeunes surdiplomés oscillent, sottement déprimés, entre Paulemploi, stage de séchage des potatoes chez MacDaube ou larbin pour rentier .

17 décembre 2010

The dangereux network

par

Les grandes manoeuvres pour assurer d'ici 2012 un cadre internet digne de ce nom à notre monarchie élective (suivant l'adage  "tout ce que je ne veux pas écouter, soit je le nie soit je le fais taire" ) sont entamées

Est votée mercredi soir à l'assemblée l'article 4 de la LOPPSI 2 autorisant le ministère de l’intérieur à "filtrer" un site internet sans passer par la case judiciaire...  Outil inefficace à lutter contre sa "cible", les abus sur pitinenfants et l'escroquerie en ligne[1], mais ouvrant d’intéressantes perspectives pour la fermeture pure et simple des sites contrariant l'autorité.

En cas de promulgation de loi liberticide, si l'on ne dispose pas dans l’actualité d'un niqab, d'un rom ou d'une tempête de neige pour faire diversion, il convient de guider le lecteur vers le chemin de la sécurité où il décidera de "lui-même" que la censure, finalement, ça a du bon.

Comme par hasard, le lendemain du vote nocturne (à 20 gus dans une assemblée), l'agence "conseil" Calypso  publie le baromètre "enfant et internet", réalisé lors du tour de France des établissements scolaires "un clic, déclic, une opération nationale de sensibilisation" avec le soutien de l'association "la voix de l'enfant" (pour la respectabilité) mais aussi Apple, Google et Orange (pour le côté infiltration du marché à la source).

Soucieux de sensibiliser son lectorat au risque de viol encouru par leurs pitinenfants en cas de navigation sur internet, sans gilet de sauvetage certifié NS, loin des eaux usées des éditos de Threard ou de Catherine NayLe Figaro titre son article de synthèse sous l'angle de la catastrophe :



Je t'en propose quelques extraits revisités en mode "tu vas parler hein ? C'est quoi ton mobile et qui sont tes complices ?" et tu verras que, plus que jamais, les mots sont importants.
"Le quatrième baromètre [...] montre une escalade numérique impressionnante des 11-17 ans, qui passent notamment une grande partie de leur temps sur les outils communautaires.

Toujours plus jeunes. Toujours plus équipés. 
[La phrase "toujours plus armés" n'a pu être utilisée le copyright étant déposé par Alain Bauer] 
Enfants et adolescents plongent chaque année davantage dans le grand bain des nouvelles technologies.
[Étonnant... ce n'est pas comme s'il y avait une douche publicitaire continue pour les smart-phones et autres packs "internet illimité avec forfait bloqué", de l'abri bus devant leur bahut à la moindre émission de radio ou de télé chez eux].
Les chiffres les plus frappants de cette escalade numérique concernent les pré-adolescents. Désormais 55% des 11-13 ans auraient une page Facebook et 47% posséderaient déjà un téléphone portable. 
[Chiffres terrifiants. Je me demande combien ont la télévision chez eux ? Et plus haut dans "l'escalade" : combien ont accès à l'électricité à domicile ? Une insertion de doigts mouillés dans la prise de terre risquant de provoquer un "raz-de-marée" intime chez le jeune irresponsable avide d'interdits.]

[...]

Chez les collégiens et lycéens de 13 à 17 ans, le portable est devenu incontournable. [Alors que chez leurs parents pas du tout.] A tel point qu'il servirait de «doudou» à près d'un tiers des 15 à 17 ans qui déclarent le mettre sous leur oreiller pour dormir.
[Le mitraillage de SMS à la con sur smart-phone payé à crédit, histoire de détailler toutes les 10 minutes à Chouchounet(-te) les facettes du vide de sa vie de bureau, est en revanche la chasse gardée de l'adulte salarié. Existe aussi en mode "Poker sur smart-phone dans les transports en commun"[2]].

[Facebook] est la nouvelle star des cours de récréation
[en terme de révélations : wikileaks peut se rhabiller.].
[...] Facebook est leur nouveau couteau suisse.  Ils l'utilisent pour tout. Discuter en ligne, partager des photos et des vidéos, les commenter…
[oui, il s'agit ici de sensibiliser le lecteur du Figaro au monde opaque et alarmant de l'ouvertue à l'autre et de l'échange gratuit sur fond de technologie luciférienne.] 
Du coup, ils utilisent de moins en moins les mails. Si les messageries de type MSN ont également un peu moins la cote, un quart des 11 et 13 ans déclarent tout de même y passer plus de trois heures par jour.
[Tandis que leurs parents, en dociles citoyens friands de culture et de spectacles nobles diffusés sur des canaux indépendants du pouvoir, consacrent 3h30 quotidiennes et constructives à la télévision.]
«Quant aux blogs, délaissés par les adolescents, ils attirent désormais un public dès le CM1-CM2», avance Thomas Rohmer [patron de Calypso].
[Oui, l'âge moyen du blogueur politique est de 7 ans et demi. Ce qui tranche avec le petit monde des éditocrates de plateau dont certains approchent le siècle (ainsi que son dîner).]

Les jeux vidéo font également un malheur. 87% des 11-13 ans et 80% des 15-17 ans disent s'y adonner au moins une fois par jour. Enfin, le téléchargement de films et séries TV «explose», selon le baromètre. Plus de la moitié des 13-15 ans, contre 21% l'an passé, vont chercher ces contenus sur le web. 
[la moitié restante allant probablement les télécharger sur un autre internet encore plus dangereux.] 
Et ce de manière illégale. Chez les 15-17 ans, ce chiffre dépasse les 60%.[Comme dirait le grand philosophe Robert Menard dans ces monologues "sans interdits" de 17h45 : "dès fois on regrette l'abolition de la peine de mort". Exemple des propos pondérés et responsables prouvant la supériorité idéologique de la télévision pour vieux à l'heure où les mômes rentrent de l'école.]

(capture d'écran :
la nouvelle réclame pour le filtre anti-Robert Ménard.)

À chaque génération ses loisirs et un tel succès des nouvelles technologies ne devrait pas forcément poser de problèmes.
[Il va falloir que la jeunesse de ce pays se le mette une bonne fois pour toutes dans le crane : ce ne sont pas les anciens qui vont se mettre au vélo mais les jeunes qui doivent se véhiculer en déambulateur.]
Malheureusement, ce baromètre montre aussi la très faible présence des parents [...et s'il faut culpabiliser les parents pour ça, on ne va pas se gêner] dans ce nouveau quotidien numérique des plus jeunes qui manquent parfois d'armes pour protéger leurs données confidentielles ou peuvent être confrontés à des images choquantes. Campagnes de prévention, messages ministériels… Rien n'y fait." [et pourtant nos agences de com, people, pubards séniles, politiques, pachydermes tv, journalistes et acteurs n'ont pas ménagé leurs efforts pédagogiques pour nous démontrer qu'Internet = mensonge, pédophilie, délinquance, raclure analphabète de bidet inculte.]
(La droite ? Une certaine vision du net.)

Suit une petite intervention d'Alex Turk, président de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté) au sujet de facebook :

«Les parents et le corps enseignant ne savent pas par quel bout prendre le problème.
[Tu noteras ici l'absence de doute quant à l'existence d'une putain de tuile.]
Il faut reconsidérer l'instruction civique sous l'angle de la protection des données personnelles pour sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge. Ce sujet devrait devenir une priorité nationale. Des générations sont en train de s'engager dans la vie avec un patrimoine de libertés fondamentales mutilé car ils ne pourront jamais récupérer complètement les informations qu'ils ont diffusées sur la toile».
[J'imagine qu'à l'arrivée de la voiture quelques chefs de CNIL prétendirent qu'à plus de 30 km/heure les charrettes du diable rendraient stériles. Et regarde, 120 ans plus tard : on n'est pas heureux à passer nos week-end dans les bouchons pour se rendre avec les mioches chez le concessionnaire, histoire de bénéficier avant la fin de l'année de la prime à la casse et de changer de Laguna pour la troisième fois en 3 ans ?] 

Aujourd'hui, 87% des 11-13 ans ne protègent aucune donnée personnelle sur Facebook et trois sur dix acceptent systématiquement «les nouveaux amis» qui s'y présentent.
[Bien sûr : la télé et son produit star "la télé-réalité", basé sur l'exposition continue et décomplexée de l'intimité du spectateur devenu acteur discount (avec ce "petit plus" qu'elle est assortie d'une totale soumission à l'autorité a.k.a la prod a.k.a l'annonceur), n'y sont pour rien.]
Les adolescents se disent quant à eux peu concernés par le débat sur le droit à l'oubli."
[Assez logique dans une société où la célébrité, pour rien et à tout prix, représente la quintessence de la réussite.]
Nouvelle pierre apportée à l'édifice idéologique, sous l'angle "ado irresponsable, liberté technologique trop dangereuse et que ne ferait-on pas pour nos enfants ?", conditionnant le lecteur à conclure que ce n'est "pas si mal" de censurer internet (d'autant que c'est cool : on s'est comme par hasard doté de l'outil législatif ad-hoc le jour même !). L'article sous-tend l'idée, en vogue chez les promoteurs de la peur, que l’émetteur de ses données personnelles est plus coupable que celui risquant d'en abuser. Si l'on suit la même logique : celui recevant un courrier d'Hadopi[3], lui reprochant d'avoir téléchargé une oeuvre musicale et le menaçant de sanctions s'il recommence, devrait blâmer l'artiste pour avoir créé l'oeuvre à l'origine du "délit" passé et à venir. On le voit une fois encore : les réponses sont conditionnées par la façon de poser "les problèmes".

Bon, le plus beau de l'article du Figaro reste sa mise en abyme finale où le lecteur est convié à...  laisser son témoignage. 

Le Figaro s'est trompé, le besoin de s'exprimer est plus qu'une catastrophec'est une intolérable malfaçon humaine, le vrai bug des années 2000.  A défaut de nous mater physiquement, ça coûte cher et ça tache, le pouvoir et ses VRP n'auront de cesse de nous persuader qu'il faut mater l'outil (après abonnement bien sur).

(La France est à l'aube d'une révolution numérique : l'offre unique.
Thierry Solère planche déjà sur le packaging.)

* * *

[1] Pitinenfants qui devront se contenter de la trash-tv et des dissections "porno-chic" de cadavres dans les séries américaines sur la première compagnie et ses déclinaisons débiles de la TNT gratuite, bourrées de pubs pour crédits à la conso à 53% et sonneries de téléphone portables personnalisées à 13 euros la minute.
Dans le même temps, la même LOPPSI assouplit les règles du permis à point : être écrasé par une voiture grillant un feu rouge étant probablement moins dangereux pour l'enfant que de surfer sur internet.

[2] Certes, matin et soir, les mêmes avaient déjà la tête baissée dans le métro avant l'arrivée de l'heil-phone. La force d'Appeule et des opérateurs de 3G est d'avoir réussi à leur faire payer, sur abonnement, ce long tunnel d'ennui et de soumission qui, jusque-là, n'était pas profitable au marché.

[3] brillant résultat à 30 millions d'euros annuels de l'ancienne "bataille" du net menée par les mêmes grands esprits.

15 décembre 2010

Le Dassault megamix (christmas edit)

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Avec sa déconnexion de la réalité des gueux, une bonne grosse dose de fuck you attitude, se débarrassant des pudibonderies de jeune fille d'un Rioufol ou d'un De Kerdrel : l'avantage de Serge Dassault (milliardaire héritier sénile aux Rafales invendus plein le calbut à bretelles[1] n'en ayant jamais foutu une rame de sa vie mais ne ratant jamais une occasion d'accabler les feignasses en tout genre qui l'empêchent de capitaliser rond), c'est qu'il synthétise l'air du temps politique comme personne. Regarde 8 minutes des megamix de DJ Sergio tous les deux ans et tu t'économiseras le suivi exhaustif des meetings UMP qui suivront. 

Sa légendaire intervention sur I-télé en 2008[2]  résonne encore dans nos mémoires. Elle donnait le tempo de la politique sociale du gouvernement pour les deux prochaines années (sous-travail, mise sous le tapis des chômeurs, démontage du service public, hommage appuyé au dialogue d'entreprise à la chinoise et fist aux syndicats avec un rêve ultime : l'interdiction des grèves).

Ce matin, alors que j'émergeais embrumé par le manque de café, me rappelant alors que mon abonnement internet allait prendre 5 euros le 1er janvier tout en entendant sur les ondes, entre deux spots pour les banques, que mon assurance habitation prendrait, elle, 6% et qu'il n'y aurait pas de coup de pouce à ce  salaire minimum que je ne touche même pas, Papy Dassault trônait tranquille sur Europe 1 face à un MOF abandonnant vite la tentative d'en faire un modèle de patron social. 

Alors que nous annonce l'oracle ?

Rien de bien neuf en fait, la remise en cause des paradigmes obsolètes n'étant pas le signe distinctif des progressistes de droite, mais c'est dit avec tellement de conviction que je ne peux garder pour moi ce florilège idéologique d'une figure de l'élite capitalistique tricolore doublée d'un démocrate hors-pair, au physique si représentatif de l'état mental de la clique qu'il défend. 

Attention, âmes sensibles s'abstenir, c'est un best-of : Les chômeurs français sont "indemnisés à perpétuité"[3],  les salariés sont "en vacances toutes les cinq minutes" et c'est la faute aux 35 heures. "La gauche a des idées spéciales qui ne vont pas dans le sens de l'économie". Les gens ont "trop de droits" et ça creuse les déficits. La vie c'est l'activité permanente, la retraite c'est l'ennui et pas besoin de salaires quand on a des actions... 


La vieillesse serait-elle un naufrage ? Nous n'en saurons probablement jamais rien à titre personnel. Avec un monde à la Dassault (c'est à dire celui d'aujourd'hui en un peu plus cost-killé), comme le suggère son propre journal, je doute que "les inutiles" vivent bien  longtemps. 


[1] Oui, Sergio si prompt à taper sur l'état qui subventionne à tout va, va se faire racheter par l'Etat ses avions invendus à l'export (soit 100 % de sa production entre 2011 et 2013 pour un montant de 800 millions d'euros payés de ta poche de feignasse).

[2] Si grandiose qu'elle se trouve en post-face de Perverse Road.

[3] Le million de chômeurs en fin de droits sera ravi de l'apprendre.

14 décembre 2010

Les gardiens de l'épée

par

France, Décembre 2012, fait-divers.

L'autopsie du corps de l'homme visé par un coup de K.O-Katana dimanche dernier à Marseille, a révélé qu'il était décédé d'une "forte hémorragie artérielle" provoquée par le décrochage de la tête, a-t-on appris mardi auprès du parquet.

«L'autopsie a révélé que la personne est décédée d'une forte perte de sang liée à une rupture des artères carotides internes et externes au niveau pré-trachéal. Tout cela étant la conséquence d'une rupture de l'attache cou / boîte crânienne conséquence, semble-t-il, d'un coup de K.O-Katana», a indiqué jeudi, Jean-René Pourdechiqué, procureur de la République adjoint.

«Pour l'instant, il est encore trop tôt pour indiquer si ce décès est dû uniquement au coup de K.O-Katana où si il n'y avait pas aussi une prédisposition physique chez le suspect propice à ce type de faiblesse pouvant occasionner le décès » a ajouté le procureur, précisant que les témoignages convergent quant à la nature du défunt et son comportement incohérent précédant la riposte des forces de l'ordre.

« Il n’avait pas vraiment la tête sur les épaules » affirme-t-on de source policière.

(Comme pour la Freebox 6, 
Philippe Starck a dessiné les nouvelles tenues de la police de proximité.)

«Un certain nombre d'investigations sont en cours au niveau médical, notamment un encéphalogramme, un contrôle approfondi de la motricité musculaire et un QCM de connaissance du code pénal pour savoir s'il n'y a pas chez cette personne un état de faiblesse initiale et un déficit de citoyenneté expliquant l'incident », a précisé le procureur adjoint.

La victime, connue des services de police pour un stationnement sur une zone de livraison, avait blessé au coupe-ongles un colocataire. Appelée sur place, une patrouille de trois policiers est intervenue.

A leur arrivée, l'homme avait «une attitude extrêmement violente à leur égard», blessant grièvement l'un d'eux au crâne d'un jet de bol de chicorée tiède, selon le directeur départemental de la sécurité publique.

Le policier a alors riposté par un coup de K.O Katana, au niveau du cou, ayant pour seul but de l’immobiliser. Une fois maîtrisé, le tronc suspect a été victime d'un arrêt cardio-ventilatoire. Malgré les premiers soins, et plusieurs tentatives de fixation, il est décédé.

"- Nous avons tranché. Il n'y a pas lieu de relancer la polémique sur l'usage du K.O Katana." apprend t-on de source proche de l'enquête.

(- nous n'écartons pas non plus la thèse de la mauvaise grippe.)

Le K.O-Katana, ou «lame paralysante», est né début 2011 suite aux polémiques entourant l'usage du Taser et du Flash-Ball par les forces de l'ordre. « L'idée était de créer une arme de défense, 100% bio, pour neutraliser l'agresseur avec une économie de balle maximale», explique Jean-Kevin Cigale, directeur général de La Faucheuse, fabricant de sabre et développeur du K.O-Katana.

Après plusieurs années de tests sur mannequins, le K.O-Katana est finalement généralisé aux forces de l'ordre en 2012. Cette arme révolutionnaire, qualifiée de « sublétale », est composée d'une poignée et d’une lame. "A l'instar du crayon à papier, lorsqu'il n'est pas enfoncé dans l'oeil jusqu'à la gomme, elle peut provoquer des traumatismes mais n'entraîne aucun body-count" assure Cigale.

(chez les Cigale, on fabrique de la sécurité depuis trois générations)

« - A condition que la route ne soit pas trop inclinée » précise toutefois le ministre de l’intérieur, interrogé sur l'incident marseillais alors qu’il se rendait, comme simple témoin de moralité, au procès en appel de policiers ayant pris un PV en première instance pour "immobilisation sous les roues de la Velsatis d'un jeune suspect, refusant de décliner son identité, ayant entraîné la mort sans intention de la donner".

...et parce que j'invente à peine...le libération du jour...


Illustrations : nanarland.com, Liberation

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