30 novembre 2010

Monarchie et mensonges #3 : L'auto-entreprise

par

"L'auto-entrepreneur [...] s'il n'encaisse rien, il ne paye rien. 
C'est du bon sens."
Le Monarque, 14 mai 2009, à l'Elysée devant des auto-entrepreneurs (3.20 sur cette vidéo).

Ami auto-entrepreneur, la dernière trouvaille fiscale de ton gouvernement, soucieux de cueillir large pour cause de poches trouées, signe, je l'espère, la fin de tes illusions 1 / sur la bienveillance des types en charge de ce genre d'arnaques  2 / sur ce statut bâtard conçu pour compresser encore un peu les salaires et modeler ton cerveau à l'individualisme tout terrain sur fond de de désespérance et de désir d'entreprendre.

Je te rappelle les 4 phases, assez révélatrices des méthodes du pouvoir en place : 

Décembre 2008
Phase I : une bonne accroche marketing.

Deux mois plutôt, krach boum à la bourse. L'état major sait que "la crise"TM va faire mal en Europe. Ça fait désordre surtout lorsque l'on a promis aux gens qu'ils allaient gagner plus en travaillant. Il faut vite pondre un bidule marketing pour occuper les masses et noyer dans le parfum "fleur d'émancipation" les catastropiques chiffres à venir. 

Hervé Novelli, alors secrétaire d'Etat en charge du commerce et des PME, lance "l'auto-entreprise", un truc qui était pensé pour compléter les revenus des retraités, mais te permettra toi, le jeune au chômage, de jouer au patron sans avancer les fonds en créant en 10 minutes une entreprise sur internet. Tu sautes sur ta chaise : "- Ouais super top cool, y a pas de charges car les charges c'est le mal !". Et oui, tu ne cotises ni pour le chômage, ni pour ta retraite. La grosse régression sociale dont tu es la victime directe passe comme dans du beurre. Te faire miroiter d'être le prochain Bernard Tapie en créant un site internet avec le logo "République française" et au passage te faire basculer avec ton plein consentement dans l'exploitation pure et simple : même eux n'avaient pas imaginé que cela fonctionnerait aussi bien. 

Extrait 1 : "la grande armée des auto-entrepreneurs"

La mesure trouve un large écho et  permet aux PME de mettre en concurrence d'anciens salariés devenus "auto-entrepreneurs" à base de "je t'engage si tu dégages". Elle facilite la "légalisation" de l'activité au noir, notamment sur les chantiers de décoration et les services aux particuliers thunés (gros vivier électoral UMP qui, pour satisfaire son besoin de se sentir riche, a besoin d'un petit personnel docile et pas trop cher).

A l'époque, faut surtout pas te rappeler que tu as déjà investi beaucoup financièrement (c'est bien, ça booste la consommation, d'autant que tu ne récupères pas la TVA) et moralement dans cette histoire, qu'il n'y aura aucun filet de sécurité pour toi : tu le prends mal.

Juin 2009
Phase II : tout le monde y va, venez !
C'est la parade de l'auto-entreprise : déclarations enchanteresses du Monarque "des symboles de résistance et d'optimisme", "un phénomène de société" et dans la foulée : kits, salons, formations dispendieuses reprenant les mêmes arguments et les mêmes éléments de langage.  

Exemple, c'est con mais j'aime bien la musique...

Au troisième trimestre 2009, sur les 263.400 personnes qui ont adhéré au régime de l'auto-entrepreneur depuis son lancement cette année-là, seuls 59.000 (17%) ont déclaré avoir encaissé un chiffre d'affaires, que le revenu moyen pour les autres est de moins de 1200 euros et que par définition, personne ne sait combien d'heures de travail furent accumulées pour cela et quels furent les frais engagés. "La liberté d'entreprendre" n'a pas de prix et 56% des créateurs d'auto-entreprise sont des demandeurs d'emploi, voila qui va encore contribuer à baisser les tarifs.

Janvier 2010
Phase III : nier l'évidence.
Un an d'auto-entreprenariat. Côté gouvernement : 



Le gouvernement se félicite : En 2009, "le nombre de créations d'entreprises a atteint le niveau record de 580.193, soit 75.0% de plus qu'en 2008.". Sondage Opinion way of the president à l'appui : "83% des auto-entrepreneurs sont satisfaits de leur statut" alors que la plupart d'entre eux ne gagnent rien ! Le gouvernement en oublierait presque la récession, le chômage qui pète les compteurs et que les faillites d'entreprises sont à +17% (53.000) cette année-là

Courant 2010, les chiffres sont encore pires. Sur les 45% d'auto-entrepreneurs ayant déclaré un chiffre d'affaire, le gain net est de 775 euros mensuels. Réparti entre les auto-entrepreneurs : cela fait 500 euros par mois. Le seuil de pauvreté est à 910. 


Novembre 2010
Phase IV : tonte et liquidation du cheptel.
Bon, le nombre de création d'AE baisse, et tout le monde commence à saisir la nature du cache-misère. Il s'agit maintenant de récupérer les derniers sous. Tandis qu'à Pôle emploi les annonces imposant d'avoir le statut d'auto-entrepreneur se multiplient, certains auto-entrepreneurs n'ayant généré aucun chiffre d'affaires reçoivent une feuille surprise des impôts leur demandant de régler la CET "cotisation économique territoriale", nouvelle version de la taxe professionnelle. Un truc qui peut aller de 200 à 2000 euros

" - Bouhou, on m'avait dit que je ne paierais pas d’impôts !"

Bienvenue dans le ultra-libéralisme pur jus, apprenti entrepreneur. Un état qui te coupe de tout, te fait croire aux vertus de l'individualisme forcené, te délaisse en chemin mais ne t'oublie jamais dès lors qu'il s'agit de te racketer. 

Côté formations, les factures sont payées. Côté particuliers thunés, les travaux de décoration sont terminés, la maison a encore gagné 10% à l'argus du spéculateur. Et avec tous ces auto-entrepreneurs a disposition, ça a été plutôt une bonne affaire pour tous... sauf pour toi. 

Face à la grogne des lésés, Hervé Novelli déclare à L'expansion :

"- Je ne laisserai pas tomber les auto-entrepreneurs qui se retrouvent dans cette situation inconfortable."

Problème. Novelli, encensé par Le Monarque un an plus tôta été débarqué de son poste de secrétaire d'Etat chargé aux PME quelques jours avant l'arrivée des feuilles d'imposition et n'a donc plus aucune "responsabilité" dans la magouille. 

C'est désormais Frédéric Lefebvre qui occupe son poste. Tu sais celui qui voulait faire travailler les malades.

Va-t-il t'aider à décrocher un micro crédit à taux préférentiel pour "t'épauler dans l'accomplissement de ton parcours de contribuable" ?

La suite dans un prochain épisode de "Monarchie et Mensonges".



[Update : 16h40.] Fréderic Lefebvre déclare à l'assemblée nationale que les auto-entrepreneurs ne réalisant pas de chiffre d'affaires ne paieraient "évidemment pas" la contribution foncière remplaçant la taxe professionnelle. C'est noté.


Illustration typo : Seb Lester. 

29 novembre 2010

Le roi se meurt et les blogs aussi ?

par

Une chaîne court sur les blogs et, comme l'atteste la couverture de mon dernier livre (en haut à droite, noël approche), j'adore les chaînes :

Que deviendront les blogs après 2012 ?

Intéressante interrogation liée à deux supputations tenant des domaines de l’heroic-fantasy-statistique et de la comic-book-idéologie :

1 / Que la gauche accède au pouvoir. 

2 / Que cette alternance ne soit pas le clone chloroformant de la clownerie réformatrice du moment.[1]

Question sous-tendant la conviction que les blogs politiques influencent le débat au-delà du cercle des convaincus comme en attestent les "télécharger the mentalist saison 2", "rachat de mon crédit immobilier" et autre "Laurence Ferrari en string" régulièrement tapés pour arriver ici.

Le passé.

Ce blog est né de l'isolement et du sentiment qu'un "autre discours" n'était pas assez répandu. S'il l'est, que nous sommes de plus en plus à aller dans le même sens, tant mieux, ça me permettra de ralentir la cadence. Mais là, c'est bizarre, même s'il y a de nets progrès en 3 ans (avec la contribution de la désastreuse mais si prévisible, et d'ailleurs prévue ici, politique du Monarque[2]), j'ai le sentiment que ce n'est pas encore tout à fait joué. D'autant que l'ennemi dispose d'une force de frappe en terme de communication et d'un sans-gêne un poil plus développés[3].

Le présent.

Des raisons d'être confiant. Le discours relatif à l'ennui salarié, aux fumisteries idéologiques Medefo-Umpesques, aux déséquilibres immobiliers et au démantèlement du service public qui, il y a peu, te cataloguait au rayon ultra-gauchiste bon à embastiller, est aujourd'hui écouté. Une volonté de "nouvelle voie" monte croissante dans le peuple. Le "banquier" a remplacé le cambrioleur au top 50 des malfaisants et les ignorés d'hier deviennent populaires.

Mieux, cette volonté de se réapproprier le destin collectif transcende les sensibilités et les âges. Combien ai-je croisé de gens se définissant avant "de droite" ou de retraités (non, c'est pas toujours les mêmes), rageant non seulement contre le héros d'hier mais qui ont une sévère dent contre le système dans son ensemble (là oui, on peut remercier Le Monarque, très bon représentant de commerce du désastre néo-cons)me tenant mot pour mot ce que je m'acharnais sans succès à leur expliquer en 2007 ! (bon de là à aller voter à gauche, c'est pas encore gagné) 

Le politique n'a pas l'air de prendre la mesure de cet upgrade du questionnement populaire et des aspirations dans la société, c'est pourtant là une opportunité unique de la faire progresser. Si le blogueur peut aider...

Le futur.

Quand je vois la tronche de l'information, le kaléidoscope des sensibilités à gauche et les quelques trentenaires et quadras croisés ce week-end de retour du centre co' avec trois salaires de cadeaux de noël estampillés Sofincon dans les bras (3 Heil-pad pour leur gueule et une boite de crayon de couleurs Mac Bouffe pour le môme) et qui crient "tous pourris" dès que j'aborde la thématique politique, je suis convaincu que nos blogs, "politique" ou "société", ainsi que ceux à naître parce que là aussi faut qu'il y ait alternance, auront encore du grain à moudre après 2012. 

Ne pas confondre cause et conséquence.  Le Monarque est comme "la crise". Avant d'être la cause de nos aigreurs, il est la conséquence de nos aveuglements. 

* * *

[1] Le kleenex de la branlette ultra-libérale est souillé. A moins que Le Monarque nous sorte une mesure bien démago qui lui permettra de doubler les socialistes sur le social dans le sprint final, sa crédibilité a du plomb dans l'aile. Les « élites », la « grande finance », (appelle-les comme tu veux) vont finir par le voir d’un mauvais œil. Tu noteras qu'il s'est débattu comme un diable pour leur montrer qu'il est capable de réformer les retraites et que son Premier Ministre est envoyé en première ligne pour continuer "la réforme" jusqu'au dernier jour du quinquennat malgré la "pause" annoncée quelques semaines plus tôt.

[2] Rappelons-nous de cette période des mamours avec la presse précédant et suivant son élection, alors que nous "les gueux de l'analyse" tirions des boulets face au vent en annonçant la couleur des mois à venir. 
X
[3] L'intégralité des connexions annuelles des 20 premiers blogs politiques devant atteindre le cumul audience de 2 secondes d'une rediffusion d'"Histoires Naturelles" sur TF1 à 4 heures du matin. 

26 novembre 2010

L’escroquerie institutionnalisée

par
Définir l’époque en un mot ?

Cherchons... inégalité, souffrance, boulimie, vacuité, ignorance, égoïsme… chacun ne reflète qu'une facette du drame. « Escroquerie » : en voilà un qui traverse les classes sociales et les continents, que chacun du plus pauvre au plus riche reconnaîtra à sa façon, et qui synthétise la situation.

Sentiment personnellement éprouvé depuis le début du millénaire, avec accélération depuis ses trois dernières années. De l'Euro au Monarque, en passant par ta facture de téléphone mobile dont l'augmentation n'a d'équivalent que l’opacité des raisons de cette hausse à laquelle, vraiment, tu n'as pas "tout compris" : l'air du temps est à l'arnaque. Trop plein d’abjecte, de l’intime au global : il devient impossible de hiérarchiser, d'emmagasiner même, le flot quotidien d'injustices te submergeant. L'époque est un hold-up généralisé.  Tous veulent se goinfrer avant le dépôt de bilan définitif de nos maigres certitudes.


Étage intermédiaire avant les gros braquages des "politiques de rigueur" pour réapprovisionner en jetons les joueurs de poker, j'évoquais dans le précédent article sur la sécurité que, s'ajoutant à la dégradation des conditions de travail et à la désespérance planifiée du « non-emploi » (sur laquelle il va quand même bien falloir que tu arrêtes de culpabiliser un jour),  l'un des facteurs de violence ignoré dans la société est l'exponentielle escroquerie de sa sphère commerciale[1]. D'autant plus fâcheux qu'au nom du "progrès" et de "l'alignement sur les autres pays"[2], elle empiète peu à peu sur les secteurs jadis sanctuarisés.

Au hit-parade de l'escroquerie "à échelle humaine" : le royal-cheese with cornichons du vol auto-infligé,  aux redoutables effets sur le reste de la société (tu remarqueras que les pays où l'économie s’effondre furent préalablement le théâtre d'une belle bulle de la pierre où les individus ont joué à la spéculation les uns contre les autres avant de se retrouver tous à la rue), je veux bien entendu parler du crédit immobilier.[3] Là dessus, ma position est simple. Elle te préservera des déconvenues et te conférera le minimum de crédibilité requise pour critiquer à longueur de forums les méchants banksters qui t'ont entubé : si t'as pas l'argent, et bien t'achètes pas. 

 .(4 minutes qu'elle vient de signer.
 Babette est pour le moment satisfaite par son modèle longue durée : 27 ans minimum.)
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Mais, niquer les béats embobinés à l'hameçon de la plus-value ne suffit plus. Il a été décidé par nos mafieux pontes, gestionnaires de ressources humaines en période de contraction économique, que tous sans exception, du plus fauché à l'objecteur de croissance, nous passerions à la caisse.

Quelques spécialités sont prévues à cet effet :

Le piège des crédits à la consommation aux clauses insaisissables dont la victime ne peut se dépêtrer (il sera alors soumis à une batterie de chasseurs de dette aux méthodes plus ou moins légales.) 

- L’engrenage sans fin des agios et des frais bancaires (avec ajout d'un interlocuteur jeune, volontaire et en stage d'assimilation escroc, que l'on fait régulièrement tourner d'une succursale à l'autre pour éviter qu'il s'attendrisse sur l'endetté.)

Les augmentations régulières des dépenses contraintes aux justifications les plus abracadabrantes (exemple type : les hausses régulières d'EDF pour rembourser ses errances spéculatives).

L’augmentation du coût de la consommation courante. (Ce qui nous ramène au piège des crédits à la consommation puisqu'il dévient clair qu'au rythme de la hausse de tous les prix sauf des salaires, surviendra plus vite que tu ne le penses cette paroxysmique période, aboutissement logiques des démocraties molles et maquerelles de la libre concurrence totalement faussée et complètement déloyale, où tu patienteras, sous le regard inquisiteur de 15 vigiles armés, à la caisse automatique de ton Lideule pour t'acquitter du prix d'un paquet de nouilles de l'unique marque en rayon, avec un crédit au taux dépassant l'usure.)

Autant de situations ressenties comme injustes et sans issue. Car, oui, il est compliqué d’en sortir si tu suis leur schéma : c’est conçu pour. Pour traiter les causes, pas de secret, on en a déjà parlé. L'heure n'est plus au nettoyage à l'eau précieuse et au coton-tige. Par la loi et une forte détermination politique, il convient dans certains domaines (habitation, nourriture...) de briser les déséquilibres et les spéculations, d'empêcher la propagation aux zones jusque-là préservées (éducation, santé...) d'un ultra-libéralisme qui, sous alibi d'améliorer tout de suite le confort de chacun ou de combler au plus vite l'"insoutenable" dette de l'état, saccage à perpétuité l'existence de tous en les endettant à titre privé sur trois générations.
(Il y a deux escroqueries sur cette publicité pour le crédit immobilier. 
Sauras-tu les débusquer ? J'attends tes réponses dans les commentaires.)

Dans l’immédiat, une République attachée au bien-être et à l'apaisement de ses citoyens, pourrait légiférer pour les protéger de ces « petits désagréments » qui ne font jamais les grands sujets de campagne et qui constituent pourtant l’essentiel de ta vie et le gros de tes découverts mensuels.  Mais non. L'inverse se passe. Avec un implacable aplomb, au lieu de t’épauler dans tes vicissitudes de consommateur lésé, l'État assure un cadre législatif garantissant que tu seras dupé, deep and constantly. Primes, concessions et bonus aux voleurs de grand chemin. Taxes, crédits à la conso, vigiles, caméras de surveillance et police de la pensée pour les autres.

Politiques de rigueur ou consommation intérieure, le citoyen n'a désormais de valeur qu'en fonction de son potentiel de dépenses. Volontaire asservi depuis un demi-siècle à la machine à consommer, maintenant que le moteur économique européen court vers l'explosion en pièces détachées pour cause de notice de montage en allemand, le citoyen n’a qu’un seul droit : celui de la boucler et de se serrer la ceinture en attendant le crash suivant (car, comme dirait mon conseiller financier, Enzo 3 ans, en assemblant ses legos  : - un moment, quand y a pu de briques le château y s'écroule.)

Alors que les parachutes dorés sont de retour (avec la bénédiction du Sénat), que les banques renouent avec les bénéfices et les bonus, que certains empochent 1400 années de SMIC en un week-end de glande et qu'est lancée une nouvelle chaîne boursière pour faire triquer du gros cadre[4],  toi, le dommage collatéral de la grande mue occidentale[5], tu as la sensation d’avoir raté un épisode. Ton loyer augmente, ton salaire stagne et cinq fruits ou légumes par jour, ce n'est pas un conseil santé, mais un investissement compliqué. 

Le problème pour nos gouvernants : une partie non négligeable d'entre toi, exclue  de tout (travail décent-logement potable-espoir crédible) et  mal-aimée du monde d’avant qui fait encore sa loi, a le temps de s’intéresser au mécanisme qui a conduit à cette situation pourrie. Tu  pointes ses dysfonctionnements, sa logique pyramidale, son aberration répétée[6]. Tu commences même à le remettre en cause, toi le déviant du "meilleur système qui vaille" (pour eux). Voilà que ce discours qui, 10 ans plus tôt, t'aurait fait passer pour un timbré de la secte de Wacho, commence à avoir de l'écho. Certains d'entre toi appellent même les autres à vider leurs comptes en banque le 7 décembre prochain! Vraiment, tu ne respectes rien[7].

Pour contrer ces indésirables, l’Etat contribue à t’enfoncer dans une nouvelle ère européenne (à moins que ce ne soit l’inverse) de "l'escroquerie institutionnalisée": une étape supplémentaire dans la, plus si lente,  agonie des  démocraties occidentales

Si, à condition de s'intéresser un tant soit peu à la question, au niveau de la dette des états et des crises financières à répétition, l’escroquerie est bien visible. Dans la consommation, c’est moins spectaculaire. Quand l'Etat ne ferme pas les yeux sur les abus, il les encourage:

- En toile de fond du quinquennat, nous avons déjà le refus des class-actions régulièrement défendu par Christine Lagarde. Les class-actions (procédures judiciaires collectives contre une marque ou une institution) permettraient, à moindre frais, de venir à bout, avec jurisprudence et fortes indemnités, des abus des banques ou des opérateurs téléphoniques… A la trappe sur demande du Medef.

- Toujours par la même Christine, nous avons également eu le refus de taxer les banques (ça handicaperait leur compétitivité) puis les souplesses octroyées à ces dernières dans le cadre de l’endettement des particuliers. Pour la championne de brasse coulée, empêcher le revolving chez les pauvres freinerait la reprise de l'activité économique. Comme l'a signalé en juin dernier un rapport de l'UFC-Que choisir, nous sommes de plus en plus nombreux (spécialement les plus fauchés) à être victimes d'irrégularité de surfacturation de nos banques. Et ?  Rien. Elles continuent.

- En toute discrétion, la DGCCRF est dynamitée (là encore on retrouve Christine au service bonnes excuses). C'est vrai, pourquoi s'embarrasser d'un organisme public à même de signaler les dérives et les abus des marchands surtout quand t'es marchand ?
Mais encore. Le magistrat B.Hurel nous rappelait en début de semaine dans Libération  qu'en février dernier, dans la foulée des appels à ne pas acheter de produits israéliens, l'ex-garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie a, en quelques lignes, criminalisé  les appels au boycott de marques sur le critère de l'origine[8].  Cette décision est particulièrement inquiétante en matière de liberté publique et le texte enclenche une logique facilement extensible à d'autres domaines : le devoir de consommer passe avant le droit de s’abstenir de consommer. Tremblez décroissants. 
Après le refus du salariat qui, revendiqué haut et fort, te fait encore passer pour un "marginal bon à enfermer" (même si les évènements te donnent raison), l'appel à ne pas consommer est en passe de devenir un délit.

L'autre jour, j'écrivais en blaguant que viendrait le jour où serait répréhensible par la loi le fait de ne pas regarder la télévision. Je m'aperçois au fil des dépêches que cette perspective n'est plus si folle, que la réalité sera probablement encore plus vicieuse et imaginative. Je suis même persuadé que les appels à vider les comptes des banques seront punis d'une amende bien avant qu'un texte de loi ne marque le début d'un encadrement sérieux de ces établissements de haut vol.
Sur une note positive : on peut prendre le problème à l’inverse. S’il y a besoin de passer en catimini ce genre de textes, c’est qu’il y a inquiétude en haut-lieu. La crise aura au moins ce mérite de forcer l'individu à réfléchir et, je l’espère, à comprendre que les désordres présents ne sont pas le seul fait d’un « pire », ni d'un « empire », d'une « oligarchie », pas plus que d'un « ordre » nouveau ou ancien, mais bien de sa soumission continue aux sirènes et aux dogmes au nom de son confort physique et de sa tranquillité mentale (l'expérience prouvant pourtant qu'agissant ainsi, il rate souvent les deux).
Ils te veulent aveuglé, avide de consommer, désintéressé de l'économie (hormis celle liée à la spéculation personnelle et à ce plan d'épargne retraite individualisée te rendant complice de leurs turpitudes) désabusé du débat politique (hormis un cadre restreint à un catalogue rabâché d'idées "sécurisantes", garanties sans remise en cause des paradigmes actuels) et effrayé par le reste.

Pour son profit électoral et celui financier de ses camarades de classe, l'excitation, le buzz et l'apparente incohérence de ce gouvernement recouvrent une logique continue de son action  : nous rendre esclaves, de gré ou de force, à la consommation sans fin. 

Si tu fais un pas de côté et ne rentres plus dans les formules toutes faites, tu repenses la situation au lieu de la subir : le danger commence. Pour eux.

Ceux, celles en l’occurrence, qui sont capables de passer ce type de lois, de tenir ce type de propos contre le citoyen, ont les aptitudes requises pour te rouler sur le crâne en tank, Terminator style. Très vite, si rien n’est fait en haut pour relâcher la pression et remettre de l'ordre dans cette escroquerie institutionnalisée contaminant toutes les parcelles de nos vies quotidiennes, l'intenable équation entre voleur et volé se résoudra ainsi : un des deux détruira l'autre.


* * * 
  [1] Lorsque tu viens de te prendre une 20eme fois "la tête" avec ta banque qui t'a aspiré 200 euros pour un découvert de 14, après une journée de pression au taf passée tête baissée, que tu en es est à ton 43eme appel surtaxé dans l’hydre aux langues hétéroclites des call-centers (où des types aussi mal traités que toi sont rémunérés trois fois moins à te faire tourner en bourrique) pour tenter sans succès de te désabonner d’un service surfacturé que tu n’as pas demandé : tu ne seras pas d’humeur bienveillante. En fait, t’aurais même tendance à sombrer dans la démence ou à en vouloir au premier type que tu croises et dont la tête ne te revient pas. Ce qui facilitera les discours sécuritaires des candidats en campagne.
 a
  [2] UMP et "identité nationale" = on est les plus beaux.  Sauf en économie où, les autres pays ayant étrangement à chaque fois raison, c'est à nous de nous assimiler à leur cadence réformatrice.

  [3] pour une étude plus approfondie, je te renvoie à l'excellent ouvrage "Les endettés". 357 pages de rires et de pleurs, dans la joie et l'irrespect le plus complet de la hiérarchie actuelle des valeurs.
 a
  [4] J'espère que ma signature à la pétition pour enfin avoir un CNBC local avec un vrai tout schuss de l'ultra-over-libéralisme francophone en 24 /24 va porter ses fruits ! 

  [5]  Ah oui, je ne sais pas si je t'en ai déjà parlé : tu es le grand perdant de la mutation occidentale en cours depuis 30 ans qui voit (ou plutôt feint de ne pas voir) le passage d’une classe moyenne "confortable", vivant sur ses acquis financiers et sociaux (legs d’une période de croissance qui bat encore, pour ton plus grand malheur, la mesure des médias et des éditorialistes non renouvelés dans ce laps de temps, des principaux partis politiques et des aspirations populaires), à une classe moyenne, redéfinie par le bas, une nébuleuse instable sans sécurité aucune (d'où ta frénésie d'achat immobilier, légende urbaine de l'investissement "sûr"). Cette nouvelle répartition des richesses entre pauvres et riches cachée par le terme "moyen" (signifiant juste le plus nombreux) n’est que l’aboutissement des désordres s'accumulant depuis 40 ans. En pure logique, il ne semble donc pas souhaitable de renouer avec l'économie de ces "30 glorieuses" mythifiées. 

  [6] En Irlande, les salaires sont baissés, les impôts augmentent sauf les impôts sur les sociétés qui ne sont pas relevés au prétexte que ces "merveilleuses" iraient ailleurs. Stupide spirale qui provoquera encore plus de misère. Mais rien n'y fait, Rue 89  nous apprend que les grandes entreprises préfèrent engager des non-natifs. Parlant plusieurs langues, ils assurent à un le boulot de trois. 

  [7] Même si, pour les raisons exposées, les comptes vides ne sont plus pour beaucoup une motivation mais une réalité. 

  [8] "D'autant que si l'on commence à boycotter les produits fabriqués ailleurs, on va vite ne plus rien consommer en France"  a dû se dire MAM. Il est cocasse qu'un pouvoir appelant régulièrement à plus de fermeté sur l'immigration soit si prompt à défendre l'ouverture sur les importations.

Illustrations : Radiohead, "Hail to the Thief", flickr : rjseg1, affiche de " Family business"  de S.Lumet (1989), capture d'écran de "T2 - Judgement day" de J.Cameron (1992), diverses publicités pour le crédit à la consommation.

18 novembre 2010

[video] Une sécurité socialiste ?

par
"Le politique a pour but d’empêcher la société de sombrer, pas d'accompagner le mouvement."
Jean-Jacques Urvoas (PS) à propos du Monarque, 9/11/2010.

Une fois n'est pas coutume. Le PS la (re)découvrant, nous allons parler "sécurité".

Avant de laisser la parole à un de ses représentants, précisons ici que la première des insécurités est sociale. Constatons que plus l'Etat délaisse ses prérogatives, abandonnant l'individu sans arme (sans toit parfois) sur le champ de bataille néolibéral, plus cet Etat lui ressasse, au premier fait-divers dramatique et médiatique, un discours sécuritaire guidant son angoisse "des lendemains aussi sombres qu'incertains" vers les rivages sans nuance de la peur immédiate (parfaitement saisissable, si possible articulée autour de menaces en kit et de groupes d'ennemis à étiquettes).[1]

Face à la mise en breloque de l'Etat providence, face à l'augmentation de la tension intime générée par les souffrances d'un chômage sans fin, d'un monde du travail qui vire médiéval, ou l'étau du  surendettement des ménages, face à la précarité croissante de la population : la soif de "sécurité" serait la médecine miracle des désordres sociaux. Constatons qu'avant le moindre scrutin, avant le travail, un toit ou un salaire décent, la quête éternelle de la tranquillité publique est survendue par ceux qui n'ont de cesse, une fois élus, de renforcer le chaos. Le pire ? Ça marche.

La peur de l'autre est l'air que l'on respire dans les démocraties en décomposition[2]. La grande force de la droite est marketing. Va savoir pourquoi, elle représente encore l'ordre. C'est d'autant plus stupide que, malgré sa parade des gros bras aux paroles de fer, elle échoue sur le terrain, dans le cadre de cette "action" qu'elle a elle-même définie (instrumentalisant au passage la police dont elle réduit les effectifs, dégrade les conditions de travail et qu'elle pousse à faire du chiffre).

(illustration : une affiche plutôt efficace du PS 
publiée peu après "le discours de Grenoble" et qui annonçait la couleur.)

D'un côté, il y a ceux comme moi qui ne se sentent pas immédiatement concernés par "l'insécurité", et de l'autre ceux qui sont affectés par le sujet (victimes comme police) qui n'ont absolument pas vu leur situation s'arranger en huit années de "traitement de choc". Le reste vit globalement dans le fantasme, redoutant en tâche de fond ce qui, le plus souvent, ne lui arrive jamais. 

La peur contamine le peuple et il est encré dans les perceptions de celui-ci que la droite est plus apte que la gauche à mater cette angoisse[3].  

Partant de ces deux postulats, et d'une montée effective d'un certain type de violences physiques dans la société[4], le PS s'empare à son tour de la thématique chouchoutée par notre GI Joe de contrefaçon national.

Forum "musclé" sur la sécurité à Créteil et déclarations Hortefesques de Martine Aubry, cette "reconquête" de la sécurité par les socialistes marque à gauche une ligne, non de fracture (les premières victimes des vols et des violences sont les jeunes et les couches sociales les moins favorisées) mais de divergence de vue dans les priorités "ce que devrait d'abord être" la proposition d'alternance à 18 mois des élections présidentielles.[5] 

(Idée déco : le commissariat de Bienne a peint quatre cellules préventives en rose)

Pour aller un peu plus loin que les effets de tribune, au début du mois, accompagné des blogueurs Zeyesnidzeno et Vogelsong, j'ai rencontré Jean-Jacques Urvoas, universitaire et député, en charge de cogiter sur la thématique sécuritaire pour proposer des pistes et des "outils chiffrés" au futur candidat socialiste.

Connaissant bien son sujet, plus nuancé qu'un Rebsamen ou un Valls, j'en avais entendu parler en octobre dernier lors de la publication de son rapport, "le baiser de judas" : un diagnostic cinglant sur la contre-productivité de la politique sécuritaire du Monarque, où il mettait en avant que les premiers "trahis" étaient les policiers eux-mêmes (ce qui corroborait des conversations récentes avec des gardiens de la paix au sujet de leurs cadences, de leurs heures supplémentaires non payées, du manque de matériel et d'un dialogue désastreux avec le monde de la justice sur fond de mépris dans la population...).

L'entretien d'une heure ayant abordé pas mal de thèmes, je vous renvoie aux autres analyses de mes camarades et à l'intégralité de l'entretien.

Voici une sélection d'extraits autour des rapports entre socialistes et sécurité.

Extrait n1 : - La sécurité... "j'y vais sans dogme et sans tabou." (3.00)

J-J Urvoas nous a évoqué plus tôt la possibilité de faire appel à des entreprises privées pour accomplir une partie des "charges indues" incombant actuellement aux policiers (transfèrement, garde de personnalités ou de bâtiments administratifs...) au nom d'un redéploiement plus efficace des forces de l'ordre envers la population. Si les syndicats policiers sont d'accord (et que l'on constate que c'est déjà le cas pour les transferts de fonds ou la sécurité des entreprises privées), cette prise de position entérine la doctrine de "réduction des coûts" actuelle. 


Extrait n2 : - "Pas de droit à la sécurité".  J-J Urvoas contredit ici les propos que tiendra Martine Aubry quelques jours après cet entretien. (3.00)


Extrait n3 :  - The Question :  "En se plaçant sur le terrain sécuritaire, le PS ne tend-il pas une perche à la droite qui va en faire , comme à son habitude, un thème de prédilection ?" (9.00)


extrait n4 :  - Les divergences de la droite et du PS sur les réponses sécuritaires. (Avec confirmation en creux qu'il n'y aura aucune augmentation de budget pour la police.) (4.00)


Extrait n5 : - Question :  "Les élus de terrain craignent-ils un nouvel "octobre 2005" ?"  (avec élargissement sur le niveau de violence dans ce pays, hors "physique" : violence financière, violence des rapports...) (3.00)


Au début des années 80, la gauche avait un complexe économique vis-à-vis de la droite qui l'a poussée à faire parfois pire. En 2010, les socialistes ont le désir de se montrer "décomplexés"  sur la sécurité. Soit. Vu la donne idéologique actuelle exposée en préambule, ça se comprend. Etant exposé qu'à ses questions "décomplexées", les réponses sont, elles, comme le précise Urvoas, complexes et non immédiates, et qu'elles débordent le seul cadre "policier" :  j'attends avec impatience, de la part du PS, une réflexion et des propositions aussi poussées et sans aucun tabou sur les banques, la finance, le logement, le travail et la monnaie.

A lire :

[1] fais-ton choix : musulmans, mineurs, mineurs musulmans, roms, ultra-gauchistes chasseurs de TGV, internautes, blogueurs, journalistes d'investigation...
[2] L'autre composante étant le culte du signe extérieur de richesse dans toutes les classes sociales.
[3] Si l'on déplace le curseur de l'analyse, dans les rapports humains, dans les mots, dans son apologie continue du fric roi et ses flagrants délits répétés de mensonges et de mépris du peuple : on réalise que le pouvoir actuel est un exercice continu de la violence.
[4] notamment la violence faite aux personnes (dont la majorité des cas sont dans la cellule familiale : toute la police du monde ne pourra rien contre cela).
[5] Une partie du PS compte d'abord séduire un électorat de droite désappointé avant de soucier de ces réserves à gauche, supposant qu'elles lui sont automatiquement acquises : dangereux.

16 novembre 2010

2012, votes en stock

par


Ce soir, les pieds sur la table à journalisses, Le Monarque prend ses aises dans ton poste. Avec  sa bonhomie nerveuse de la réforme responsable, il va t'expliquer la vie, espèce de feignasse d'ingrat de galérien qui bouscule le fleuve tranquille des projets Medefiens avec tes rêves de CDI, de retraite et de salaire décent.

Comme s'en soucie Les Echos ce matin, c'est le moment de peaufiner sa stratégie. Sûr qu'avec deux millions d'enfants pauvres, un chômage à 10%, un jeune sur quatre dans la misère, il est plus que nécessaire que notre sauveur renouvelle son mandat, c'est une priorité nationale dont la survie et la santé mentale du pays dépendent. 

Que de temps et de pixels perdus : passons directement à 2012 ! 

Sa stratégie ? Elle est simple : le pouvoir à tout prix.

Partant de là, et vu l'état de désespérance et de paupérisation populaire, il faut que je partage avec cette intuition qui me taraude depuis quelques mois...

Rappelle-toi en 2007 : il était encore peu évident d’aller contre la conviction d’un peuple persuadé d’avoir trouvé son "sauveur", son "américain". Aujourd'hui, convenons qu'il est relativement facile de surfer sur l’impopularité du fossoyeur du modèle français, "l’ami des riches", "le mafieux" capable d’évoquer l’héritage du CNR sur la tombe de DeGaulle au moment où la réforme des retraites est validée. A se demander s'il n'est pas là pour être détesté. Au-delà de l'individu, il y a la politique, l'action, le projet, le programme.

Je suis récemment retombé sur la liste des promesses du candidat en 2007Je te laisse le soin lire les 133 pages et de te faire ton idée. Pour info, le site de l’UMP vient d’effacer ce document, c’est te dire s’il est à l’aise avec son bilan et confiant sur l'embellie pour les prochaines annéesMalgré les contre-vérités qu'il recèle, sa naïveté, son lexique de la win (permettant, en alignant 3 mots "liberté", "gagner" et "plus", de passer un retour au moyen âge social pour la plus grande des conquêtes républicaines), ses promesses (non tenues ou malheureusement tenues) : force est de constater que le désastre était inscrit. En s'y penchant avec un peu de sérieux, quelle que soit sa tendance politique, on pouvait être en mesure de décoder la pauvreté du programme et ses écueils, mais surtout : l’injustice sociale qu'il garantissait.

Et pourtant, le candidat a confortablement été élu. Ceci est la preuve que :

1 / Les Français ne lisent pas les programmes et qu'avec une bonne prestation télé devant 12 millions d’encanapés, une bonne soif de pouvoir, une hypocrisie à toute épreuve, des médias dans la poche et quelques boucs émissaires à désigner, on peut sortir la tête haute de tous les scrutins. Pas vrai Silvio ?

2 / Pire : ils les lisent, mais sont bien plus sensibles à la tranquillité de leur situation personnelle qu’à une quelconque harmonie de la destinée collective.

Ceci m'amène à penser que Le Monarque, en dépit de son abyssale impopularité (dont l'analyse qu'il en tire, "j’ai un super job, une superbe femme, alors forcément les Français me le font payer", est empreinte d'une profondeur d'âme, d'un lyrisme et d'un projet pour son peuple qui sont assurément la marque des grands de ce siècle), est loin d’être foutu dans l'optique de 2012. 

"Tiens, pourquoi donc?"  te demandes-tu en brandissant soudain bien moins haut ta banderole "ouais, le président il est méchant !" :

1 / Même si ce n'est pas le sujet de ce billet : que se passe-t-il en face ? Entre ceux qui attendent les bras croisés que l’alternance "obligée"[1] s’opère, ceux qui fustigent les "populistes" (petit mot dont usent ceux ayant renoncé à influer sur certains domaines pour qualifier ceux qui comptent s'y attaquer), ceux qui suggèrent qu'il faut "rassurer" comme hier et ceux qui assurent qu'il faut «tout détruire» pour demain, la partie n’est pas gagnée.

2 / Ce point est le plus important car il influe sur le précédent et constitue le point de départ de mon scepticisme : avant d’être une cause, Le Monarque est un résultat. Sa vision d’une "France de propriétaires", où la "libre entreprise" deviendrait la norme, la "flexibilité" serait la composante indispensable de la croissance collective et l'étalage du fric serait l'ultime preuve de l'épanouissement individuel[2], épouse trop souvent notre renoncement au sens critique et à l’investissement politique, notre méfiance envers autrui et, globalement, notre indéfectible collaboration à l’entreprise de démolition néolibérale dont nous payons pourtant l'ardoise.

Que ce soit par l’endettement sans fin, l’appât du gain, notre passion pour les marques combinée à nos quatre heures quotidiennes devant les cochoncetés de la première compagnienotre intoxication au people, notre boulimie de feuilletons par coffrets de 40 épisodes tandis que nos mômes pataugent dans un patois orthographique en passe de les cataloguer à vie comme "citoyens de seconde zone" avec comme seul liant la réussite en solo par l'argent : Le Monarque n’était au fond que celui le plus à même de nous fournir la matière molle dans laquelle nous aimons nous rouler en permanence, la conviction chevillée au corps que, pour la nuit des temps, la société d’abondance est le premier de nos  droits.  

Si en 2012, Le Monarque est le plus crédible en prose pour livrer clés en main des solutions basées sur un programme aussi idéologiquement pauvre et économiquement has-been que celui de 2007 en 2007, il remportera la mise.

J'en viens au volet "stratégie".

Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Si le peuple a de basses aspirations, le candidat alignera ses propositions. Le vrai travail du prétendant aux grandes responsabilités est "d’élever" le citoyen et, dans un second temps, de le faire rêver : la qualité du projet collectif dépendant de la maîtrise des données économiques, historiques, géopolitiques de chacun. Il n’y a aucune garantie de résultats, mais le challenge (c’en est un vrai et on peut aisément comprendre que le politique s’y attelant soit suicidaire) est bien là.

Donc, si tu suis mon raisonnement, en cas de non-amélioration de sa côte d'amour, avec une bonne grosse mesure bien démago de derrière les fagots (pouvant même passer pour du social),  rasant les pâquerettes sous les pattes de ses adversaires, ciblant à la perfection les aspirations d'une tranche  électorale déçue qui va lui faire défaut (sans pour autant aller voter à gauche), notre "ami des puissants" peut redorer son blason à moindres frais, d'autant qu'il dispose (tu l'auras noté) d'un peu plus de pouvoir qu'il y a trois ans.

Attention, comme l'indique l'icône, tu entres ici en mode "anticipation". Tout ce qui va suivre n'est donc que pure "fable".


Au-delà de la pérennisation du train de vie du « golden retraité »[3]  (au prix du sacrifice des générations d'en dessous, dernier exemple : la réforme des retraites) qui fournit au Monarque le gros de son électorat, et au marché intérieur le gros de ses consommateurs, le "combat contre la paupérisation des classes moyennes" devrait être un des axes forts de sa campagne.

Quand bien même, avec son chouchoutage des nantis et une politique de rigueur pour les gueux qui n’en est qu’à son tour de chauffe, il aura accentué comme personne les inégalités et le décrochage de la tranche concernée : il n'est pas impossible que, quelques mois avant l'élection, notre Monarque ait "à coeur" de "viser" une partie de son peuple dans la difficulté (classe moyenne entre 30 / 40 ans, proprio à crédit ou qui cherche à l'être, avec des revenus juste assez élevés pour ne bénéficier d'aucune aide) en "l’épaulant" avec un chèque… 

Youpi tralala. Au pays du manque de pouvoir d’achat et de "l'intolérable dette de l'état" pour tous, rien de tel qu’une petite enveloppe d'argent public pour t'aider à t'endetter à titre individuel.

Tu me diras :

" - Oui mais le mérite toussa, cela va froisser son électorat ?"

Et là, je te réponds qu'en cas de distribution "gratuite" d'argent, conjointement à la perte de toute rationalité économique autre qu'un "ouah, cool!", on est souvent plus indulgent envers son petit cas personnel qu'avec la morale collective.

Explications : la classe d’âge 20/45 stagne dans la merdasse sociale en partie parce que ses parents (55/75) partagent peu[4] et de moins en moins (rapport que la baisse du pouvoir d'achat est aussi une réalité pour eux, mais pas au même rythme et surtout ne partant du même point). Certains même, via leurs placements immobiliers, contribuent activement à renforcer les barbaries d'un marché du logement dont pâtissent par ricochet leurs propres enfants[5].  Dans cette optique, un État qui se substituerait aux retraités pour donner un "coup de pouce" à leurs enfants "dans la galère" (relative, on ne parle pas ici des plus pauvres) est un "bon deal" qui les sécurisera  (la grande chiffonnade morale du retraité étant que ses enfants vivent moins bien que lui, cela contribuera à maintenir artificiellement le "standing dû" à sa famille). La morale des uns et des autres s’en accommodera tandis qu'elle allégera illusoirement le porte-monnaie de chacun (la mesure aurait l'avantage de soulager également les parents aidant leurs enfants).

Bien évidemment, éléments de langage obligent, cette "prime" serait accordée au "plus méritant" (méritant signifiant "endetté" ou prêt à l'être) et il est probable que le fruit de cette mesure temporaire (pour laquelle, tu verras, on trouvera miraculeusement le financement) profitera à terme à quelques établissements privés et organismes financiers (filer du pognon aux particuliers fauchés pour qu'ils le reverse aux organismes de crédit étant une manière de subventionner ces derniers avec de l'argent public), qu'elle ira de pair avec la destruction d'un budget ou d'une mesure sociale, et qu’elle aura des effets secondaires accroissant les maux qu'elle était censée corriger.

Irréaliste ? Illusoire ?

- Compte tenu de la place qu'occupe la "la consommation transgressive" (endoctrinement constaté dans mon entourage le moins fortuné et plus que jamais déterminé, entre deux parties de poker en ligne, à se rajouter un 17e crédit sur le dos pour se payer le nouvel heil-phone.

- Compte tenu du contorsionniste aux manettes, de sa volonté de pouvoir et de l'impasse dans laquelle il se trouve.

- Compte tenu de la peur liée à l’appauvrissement des classes moyennes qu'il faudra d'une façon ou d'une autre rassurer.

- Compte tenu de la propension des dirigeants à ne pas inventer de nouveaux modèles et de la facilité des dirigés à opter pour les plus éculés.

- Compte tenu du portenawak économique à la sauce injustice déjà constaté.

- Compte tenu de l'inflation annoncée par St Michel-Edouard Leclerc.

- Compte tenu que l'époque du fric-roi et de l'épargne individuelle privée comme nécessité absolue pour se prémunir (mouhahaha...) des ravages économiques à venir, est de retour:

Cette hypothèse de l'achat du vote, tout simplement, avec des p'tits sous de contribuables ne me paraît pas si dingue.

Ajoutons-y, et ce serait le pompon, que cette aide soit liée au logement, et là, je m'inclinerai devant l'incroyable talent de notre chef d'Etat.

- Compte tenu du dynamitage en cours du logement social (même plus caché par les sourires niais du ravi de la crèche).

- Compte tenu de l'avènement de la société de l'exploitation foncière des citoyens sur d'autres citoyens (qui est tout bonnement en train de remplacer l'enrichissement par le travail) depuis l'accession au trône de notre Monarque  :

- Compte tenu que les primo-accedants  ou aspirants proprios, se paluchant en couple sur le catalogue Ikea,  triquent encore à l'idée de s'endetter sur 34 ans malgré les récentes déculottés économiques et les incertitudes conjoncturelles, voire à se ré-endetter pour ceux déjà propriétaires mais drogués au toujours "plus grand". 

- Compte tenu qu'ils sont encore beaucoup à penser que la crise des subprimes est le titre du prochain Star wars

Imagine si leur Monarque leur propose une remise de 20% chez Leroy-Malin pour toute rénovation de veranda à crédit !

Tout caïd de secteur vous le confirmera. Il a deux façons de se faire respecter : faire peur à celui qu'il rackette et de temps à autre et, en cas de remise en cause de son règne, lui graisser la patte.

Tant que les classes moyennes apeurées partagent les mêmes valeurs (désir de pognon, de rente, de privilèges et de passe-droits avec une propension à marcher sur la tête de son prochain) que celui qui les dirige (au bâton ou à la carotte, suivant la proximité de l’échéance électorale), il y a des probabilités non négligeables que les tentatives de corruption monarchique prennent vie du côté de chez toi.


[1] L'espérance des peuples n'est pas un ballon-prisonnier que l’on se jette dans une partie sécurisée entre potes. A ce petit jeu-là, face à l'accumulation des problèmes sur fond d'achat compulsif, le peuple échoue toujours vers le paquet-cadeau le plus accessible et le plus facile à déballer même si, comme en 2007, il est indiqué noir sur blanc qu'il contient une belle collection de boules puantes.

[2] alors qu'elle ne bénéficie qu'à la croissance individuelle de l'épanouissement financier d'une poignée.

[3] On va encore dire que j'agite le spectre de "la guerre des générations". 1 senior sur 10 vit en dessous du seuil de pauvreté, c'est le cas d'1 jeune sur 4. Sans le vote des seniors, le Monarque ne passait pas. Le minimum vieillesse est de 725 euros, le RSA de 465 et avant 25 ans tu ne touches simplement : rien.

[4] La suppression des droits de succession leur était évidemment destinée, face à leurs propres parents. L'âge moyen de l'héritage est de 52 ans. 

[5] certains mêmes, j'en connais, sont obligés d'acheter à crédit. Même avec des revenus, personne ne veut leur louer.

"Les endettés", le nouveau livre de Seb Musset, disponible ici.

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