12 août 2010

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Tous coupables !



« - Dehors les romanos ! »

Christian Clavier dans les visiteurs (1992), gros succès populaire du cinéma français de divertissement.

* * *

Lors de mon bref mais intense isolement d'été sans télé ni net, rarement de radio et peu de ces papiers journaux où l'information d'août se carapace en QCM de psycho-cul accolés au fil faits-divers de l'AFP, le peu qui m'est parvenu de la vie politique française fut ébouriffant :

- Des bravades à la xénophobie décomplexée de la part des cerbères, porte-flingues de l'UMP et autres suceurs de boules à visées ministérielles.

- de désespérants appels à la déchéance de nationalité de la part des patriotes de Neuilly.

- Des sondages Dassault (la prochaine fois on nous promet des pourcentages à 3 chiffres)

- Des feuilletons d'arrestations et d'expulsions de Nantes à Grenoble dignes des meilleurs épisodes de Plus belle la vie, avec sa fin alternative en bonus mineur : la mort d'ado à Mantes.

Bref, le gouvernement avait un petit coup de mou depuis deux ans (l'habitude de ses bons résultats en terme d'économie et d'emploi peut-être) mais là tout va bien : il a les choses en main. On va taser ! va pouvoir chanter Gilbert Montagné, les indigents en roulotte et les basanés avec des noms comme Akim ou Youssuf, sonnant pas aussi gaulois que Roger, Enzo ou Brandon, vont dérouiller.

En période de crise, lorsqu'aucune reprise économique autre que celle du train de vie des plus grosses fortunes n'est constatée, la combine éculée du bouc émissaire sur fond d'amalgame et de peur de l'autre, est un classique de la gouvernance pour les nuls.

(UMP 2012, c'est d'abord un axe fort : sensibilité et renouvellement.)

Comme dirait Eric Woerth, rendons d’abord à César ce qui est à César : non, notre monarque n'est pas raciste. Je parie un 747 présidentiel et son four à pizza qu'il préfèrera un arabe riche, musulman ou pas, non naturalisé, à un catholique blanc comme une hostie, tamponné viande française, dont on peut garantir que l'ascendance n'a pas quitté le triangle Lille-Roubaix-Tourcoing depuis quinze générations mais, affublé de ce genre de pauvreté, à base de teint blafard et de doudoune à bas coup, le rendant hautement suspect aux yeux du vigile à peine franchit le portique d'entrée du supermarket à sous-bouffe.

(C'était l'occasion ou jamais de sortir ma dédicace de Tronchet.)

Racisme... pfff... non mais ça va pas. Le monarque est au-dessus de ces considérations cristallisant les idées de ceux qui n'en n'ont pas des masses. En revanche, il s'en sert.
Son sectarisme est tout autre, purement lié au train de vie. A ce titre, il est d’ailleurs complexé : A l’inverse d’un tycoon tel Berlusconi, malgré son auto-augmentation de salaire immédiate de 140% (19.900 / mensuel, histoire de ne pas jouer le rôle du Rom sur le yacht à Bolloré) notre monarque se morfond dans la cour des nains de jardin de l’oligarchie des super friqués. Cette frustration du fils d’immigré hongrois vivant dans un environnement ultra-thuné explique par ricochet son barbapapisme idéologique.

D
e cause suprême, il n'en a qu'une : le pouvoir. Et pour l'atteindre et le conserver, il ne s'interdit rien.

Allez Brice et Frédo : faites entrez les accusés.

- Réveil de la peur des gens du voyage (beuarke, le nomadisme est insulte faite à Century 21, aux valeurs patrimoniales et à la spéculation immobilière).

- Affirmations classées "évidentes" d'un lien entre délinquance et immigration
(même si, mais c'est probablement un point de détail, les sus-mentionnés sont la plupart du temps français).

- Show-off policier sporadique et musclé qui ne résout rien (puisqu'en amont rien n'a été fait et qu'après, rien ne le sera)

Telle est l'offre triple-plaie du forfait présidentiel "Canal parasites"[1]

Passés les signes donnés à sa base électorale de droite déçue par sa politique mais dont le racisme tourne en tâche de fond et auprès de laquelle il fallait trouver un repoussoir bien plus fort que sa propre personne, au-delà du racolage vers l'extrême-droite (avec ce chamboule-tabou offrant toutes les possibilités), le discours sécuritaire ratisse large.

Je ne doute pas que notre monarque consulte sur une base quotidienne ces enquêtes d'opinion made in Beauvau bien plus précises et privées que celles du Figaro et devant toutes conclure que La France (enfin celle qui vote) a peur.

Ils sont nombreux à trembler. La gérontocratie bourgeoise monopolisant les richesses. Mais aussi les jeunes classes moyennes les moins fortunées, happées dans la fleur de l'âge par le crédit sur vingt ans, partageant avec leurs "vieux" ce modèle idéalisé du patrimoine royaume et des deux bagnoles à clim, un désir d'appartenir à la classe sociale d'au-dessus et le dégout pour celles d'en-dessous, le besoin incessant d'accumuler les preuves matérielles de standing et son corollaire... la peur de tout perdre.[2]

Même si le monarque s'est peu appesanti sur le sujet lors de son dernier monologue télévisé : il ne rate pas une occasion de donner des preuves d'amour aux puissants (la frustration toujours) et alimente régulièrement, de par ses lois antisociales et ses cadeaux au Medef, la grosse turbine à merdasse économique qui éclabousse gras.

Le premier péril du citoyen n'est pas la délinquance et encore moins cet autre menaçant mais bien le contexte d'insécurité sociale qui se renforce tout autour (destruction des services publics, explosion du chômage, détérioration du code et des conditions de travail et montée des taxes) et sur lequel les mots sont bien moins souvent posés à la télé.

L'ironie de ce chaos social mené tambour battant par l'UMP et dont les conséquences sont pauvreté et exclusion, c'est qu'in fine : il engendrera bien plus de délinquance, la violence et les vols n'étant pas la conséquence d'une immigration passée mais bien d'une pauvreté immédiate.

Vu sa politique sociale au karcher, le type de rhétorique sécuritaire et le niveau mental des kadors la professant, la délinquance et la violence aujourd'hui collées au front des gens du voyage et aux maghrébins pourrait s'étendre d'un point de vue tout aussi marketing à d'autres catégories de la société.

Anticipons, et faisons ensemble un rêve bleu.


Du camp illégal de gens du voyage aux camps de caravanes de chômeurs en fin de droits, en passant par les bidonvilles de salariés sous-payés et autres classes moyennes sorties de route par excès de dette qui dormiront dans leur voiture (ça c'est vu dans des pays plus riches, et ça commence à se voir ici) : si toi tu feras la différence(rapport qu'avec tes pauvres économies et ton emploi à deux balles tu seras peut-être dans le lot des mis au ban), les sbires monarchiques qui crachent sur tout ce qui n'est pas eux, accompagnés de commandos de caméras HD sur fond de joyeux commentaire d'animatrices d'information formatée, ne la feront pas.

Rappelle-toi : " - Français ou voyou, il faut choisir." a récemment déclaré le comique troupier Christian Estrosi.

Cette montée probable de la violence tomberait plutôt bien pour le monarque au placebo. La crainte aveugle envers les méchants marginaux est indispensable afin de rassurer les gentils qui votent.

Côté cuisine, Brice Hortefeux a, depuis son arrivée, réduit de 11.000 les effectifs policiers et développé chez les autres la culture du résultat au détriment de la veille ou de la prévention, ordonnant souvent de ne pas intervenir en banlieue. Quant à ceux qui se plaignent, c'est la radiation [3]. En matière de "rétablissement de la sécurité" on a vu mieux.
Sans compter qu'idéologiquement parlant, dans la république de l'argent roi, où sont prônés entreprise individuelle et vie sans filet, où toutes les corruptions sont permises au sommet alors qu'en bas de l'échelle, les portes du travail sont constamment claquées à la face de celui qui veut filer droit, ou pire, lui sont ouvertes pour qu'il y soit traité en sous-homme puisque sous-rémunéré : la délinquance n'est qu'une extension logique de l'auto-entrepreneuriat tant célébré.

A vrai dire, je suis même étonné qu'il n'y ait pas plus de délinquance. Les français sont probablement plus honnêtes que leurs dirigeants ...ne le souhaitent.

Résumons :

- Une idéologie vieille qui donne le La pour quelques années encore,
- Malgré les tempêtes sur le front du travail : le renforcement des valeurs bourgeoises, y compris chez les classes moyennes inférieures,
- Une crise sociale qui va durer,
- Un sentiment d'insécurité dépendant largement d'une construction télévisuelle ralliant sur la même ligne La France au Pernault de TF1 et celle "en quête d'action" d'M6.
- Une instrumentalisation électorale de la délinquance sous la houlette d'un monarque qui pousse loin l'art du cynisme, entouré d'un panachage de faux cons et de vrais racistes :

Le pays des lumières entame dans la moiteur de l'été une triste rengaine aux funestes potentialités mélodiques.

Ah... si seulement nos représentants usaient de la même hargne dans le verbe en évoquant l'impérative nécessite de déclarer la guerre au mal logement, aux inégalités croissantes ou aux destructions d'emplois massives... Je ne sais pas si le pays serait plus "sûr" mais nous y partagerions tous un peu plus d'espoir.


* * *

[1] Offre spéciale : les chaines chômage, travail sous-payé ainsi que les programmes économiques contre-performants sont également compris dans le package. En cadeau pour toute adhésion à l'UMP avant la rentrée : la chaîne hot 24/24 des points-presse de Dominique Paillé, livré avec ses kleenex d'aisance.



[2] chacun son truc : moi ma terreur c'est de me prendre de face un gamin fou qui file sur trottinette dans l'irrespect de toutes les règles de sécurité et de me faire tabasser par son père au prétexte que ma présence sur le trottoir est une entrave à la liberté de circuler de son mouflet.

[3] Dans l'excellent documentaire "La police et Sarko" diffusé sur Arte en juin dernier, on apprend même que les policiers ont consigne de s'exprimer ou non sur les caillassages ou les tirs dont ils sont victimes selon les désidératas gouvernementaux du moment.

5 comments:

Stephane a dit…

Oui très juste fin de billet, on aimerait que nos dirigeants usent de la même hargne, qu'ils déploient la même énergie sur l'emploi, le logement, etc...

Anonyme a dit…

On est dans la merde, et TF1 contribuera à nous y enfoncer jusqu'à l'orée du cervelet (zone seulement connue par elle pour y déverser le surplus de son hydre publicitaire)
Merci pour ce (néanmoins) lumineux billet.

Unknown a dit…

salut a vous et merci bcp pour ces billet tres sympa a lire et tres proche de la realite...
Chaque jour qui passe chaque info qui tombe me confirme l'avenement d'une guerre civile,proche.
Aux armes donc citoyens et la ca sera chacun pour sa guele,je pense.

Unknown a dit…

vacances productives pour mettre des mots si justes et renouer avec le style. la lucidité qui s'alimente à la hargne. chapeau bas

BA a dit…

Pour le site d'information, cette nouvelle Légion d'honneur "exhale le conflit d'intérêt."

Le 13 juillet 2008, Bernard Godet, un expert-comptable qui avait certifié deux mois plus tôt les comptes de campagne municipale d'Eric Woerth à Chantilly (Oise) a été nommé officier de la Légion d'honneur sur le contingent du ministre du Budget de l'époque, selon Mediapart.

Deux mois plus tard, le même comptable aurait certifié les comptes du micro-parti du ministre, baptisé "Association de soutien à l'action d'Eric Woerth".

"Dans ces conditions, Bernard Godet a-t-il pu, en 2009, quelques mois après avoir reçu la Légion d'honneur, se plonger dans les comptes 2008 du parti de poche du ministre et les certifier (c'est-à-dire évaluer leur sincérité et leur régularité) en toute indépendance ?", s'interroge le site d'information.

Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine), notamment sur les conditions dans lesquelles la Légion d'honneur a été attribuée à Patrice de Maistre.

http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE67C0NY20100813

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