30 juillet 2010

Le client est roi

par
"- Bettencourt a reçu 30 millions de remboursement du fisc ? Et alors ? Elle, au moins, elle fait tourner l'économie, jeune feignant." Lança le retraité.

Au-delà de la collusion d'intérêts, de l'évasion fiscale, de la godwinesque navigation du parti du déni (scandalisé par ces journalistes outrepassant les limites convenues de la flatterie gloussée sur plateau par les Duhamouleurs[1] de chamallow), les réactions sur le terrain au sujet du pataquès Woerth-Bettencourt confirment la cohabitation de plus en plus inconfortable de deux France aux réalités discordantes n’ayant plus en commun qu’un mépris profond l’une pour l’autre.

D’un côté, ceux peinant à boucler leurs mois, du galérien affamé, chair à bosser gratuit, au petit patron se mangeant des redressements fiscaux pour omission de 80 euros, sont légitiment outrés par les sommes sorties en liquides dans des enveloppes, les copinages au sommet, les défiscalisations et les remboursements d’impôts annoncés.

De l’autre, une frange de la population, pas ultra-riche ni même très riche mais plutôt aisée par rapport à la moyenne et certainement plus âgée, déconnectée du quotidien de la majorité des français. Elle partage avec son président une tolérance certaine pour les divers arrangements avec la morale fiscale, car à titre personnel elle a la rage qu'on lui prenne toujours "trop d'impôt".

Chez eux, le Woerth-Bettencourtgate pèse peu.

- Leave mamie alone !

Ils t’argueront que "c’est pareil à gauche" et jetteront, tels les notables provinciaux des romans de Balzac, un voile pudique sur ces "bazar qui vient d'internet" sur lequel il ne vaut mieux pas trop gratter car au fond, même s’ils ne jouent pas dans la même catégorie, ce serait leur monde des représentations qui s’effondrerait.

C’est à cette part balzacienne, branche Goriot, disons le mot vieille, devant représenter au pifomètre à peine 20% des français, 1% des travailleurs et 45% des suffrages exprimés, appréhendant angoissée sa santé, ses rentes, son patrimoine, les revenus de son patrimoine, et son intégrité physique en mode purement sécuritaire que le monarque s’adressait dans son publi-entretien à domicile avec la Pujade, le 12 juillet dernier.

Depuis, il
multiple signes et mots dans leur direction autour de deux axes :

1 / Je garantie les retraites ...pour ceux déjà à la retraite. [2]

2 / Je vais vous protéger des délinquants de la banlieue.... ...dans laquelle vous et moi ne foutons jamais les pieds (d'ailleurs à quoi ça ressemble un délinquant ? Ah oui... Sa voiture est plus belle que la nôtre, c'est scandaleux.)

C’est basique, rarement suivi d'effets, mais, et les précédentes élections l'ont prouvées, dans un contexte de division de l'opposition et de forte abstention : ça suffit.

Le président de la bougïte doit donc entretenir auprès de son bassin favori d'électeurs un dégout plus profond que les affaires d'état ou la jet-démocratie dont chaque français est le baudet : Enter Brice Contrefeux et sa com' de crise sur les gens du voyage (pourtant, à bien y regarder, exemple le plus abouti de la société de flexibilité et de mobilité professionnelle rêvée par le monarque.) labellisé PGDCDPAD, plus grand dénominateur commun de peur à droite.

La peur du rom au dab. (Source : caméra de surveillance 7224)

Et les autres français alors ? Ceux qui s'émeuvent des scandales au ministère, des rétro-commissions véreuses et meurtrières, de la vente à la découpe du service public et autres évacuations musclées ?

Et bien, du seul point de vue humain qui l'intéresse[3], le kikivavotépourmoi : notre monarque s'en carre.

La démographie joue en sa faveur et il lui est relativement aisé d'entretenir un climat de renoncement et de ras-le-bol politique chez ceux qui peuvent lui nuire : les jeunes, les actifs et ceusses à sensibilité, théorique, de gauche.

D'un côté, les dégoutés du vote me demandent régulièrement si, où, quand (mais pas samedi on va voir Inception avé la carte UGC) et comment l'insurrection va venir alors qu'elle est déjà là. Elle prend la forme d'une défiance, diffuse, pragmatique, cruellement rationnelle. On l'appelle société de la demmerde, le type d'insurrection isolée à base de chacun pour soi, toujours sous-tendue par la logique néolibérale, et qui fait les affaires d’un état se débarrassant de tout (sauf, par intermittences opportunes, du service contentieux des faits-divers).

Le film du début de siècle, c'est plus Mad Max que Matrix.[4]

De l'autre, j'en croise des 25/35 ans écœurés par trois années de gouvernance dont ils payent la note (promesses du crédit d'impôt immobilier bafouée, salaires en stagnation pour ceux qui en ont...) mais qui n’envisagent aucune alternative. Ils baissent la tête, cumulant les tâches sans broncher dans des conditions toujours plus exécrables, leur sens de la "lutte sociale" uniquement stimulé dès lorsqu'il s'agit de passer en premier à l'image dans le lip-dub annuel du bonheur de la boîte. Contrats lance-pierre, stagiaires ou salariés d'apparence plus pépères mais en dégradation continue de leur qualité de vie, ils se sacrifient en regardant ailleurs mais surtout pas du côté de la politique.

- le nouveau chef du floor est pointilleux sur les indices de performance.
- heureusement, ce n'est que du temps partiel.

Tant que ce beau monde n'est, virtuellement, uni que par la transgression festive ou le craquage de bide sur canapé à la brioche maxi-pitch en jouant à World of guillotine sur des naintendo fabriquées par plus exploité que lui, épongeant une soif d'exister par l'accumulation et le paraître, partageant le dégoût mais pas la rage, le souhait soupiré de voir changer les choses mais surtout pas l'envie de s'y coller : Carlantoinette et le petit frère adoptif des riches peuvent régner tranquilles dans une société pensée, du travail à la santé à l'information, pour et par les vieux de droite.

Face à cette suprématie idéologique, sociale, immobilière et médiatique de la rente et de son modèle d'opulence débonnaire, c'est aux sans voix[5] et aux plus jeunes, considérés par nos ainés comme une "menace", de se faire entendre au lieu de hausser les épaules en rétorquant "oh, de toutes les façons c'est pourri" dès qu'on prononce le mot "politique". Pas de combat à mener sans une identification minimum des troupes. Pas de redistributions des richesses à espérer sans une redistribution préalable de la parole.

Bonne question. Merci de nous l'avoir posée.

Le monarque n’a pas été élu par hasard. Sa vision individualiste de l’homme-entreprise, sa soif de l’argent, sa putréfaction idéologique au service d'un arrivisme sans limite reflétaient un air du temps de 2004-2007 n'ayant, malgré la crise, pas vraiment changé, si ce n’est pour le climat de violence sociale.[6]

Faire voter les vieux de la zone sécurisée, écœurer le reste. Affaires ou pas, chômage au top ou non, même impopulaire, tant qu'il arrivera à susciter un "dégout des autres" plus fort que les ravages de son action antisociale, que l'aspiration à l'embourgeoisement des cadets restera collée aux basques des ainés qui flippent, La France de 2012 poursuivra dans la droite ligne de celle de 2007 ou de 2002 :

Croissance incantatoire, vie rêvée du passé, entre tonfa et formol.

* * *


[1] Alain Duhamel, journaliste, traitant JL Mélenchon de "ringard" chez Chabot en juin dernier, et dont je rappelle qu’il était déjà à la table des animateurs procureurs du "Messieurs les censeurs bonsoirs" de Maurice Clavel un an avant ma naissance il y a, boudiou, 39 ans, merde #jesuisvieux.

[2] Voilà pourquoi ce plan est seulement financé pour une poignée d'années, correspondant au double quinquennat, en puisant allégrement dans le fonds de réserve crée par... Jospin. Tu peux reformer tant que tu veux : Tant qu’il n’y a pas d'emplois et que les salaires ne sont pas plus élevés, bref que l’argent est déconnecté du travail et, inversement, le travail n’est plus une source de revenus décents, il n’y a pas de retraites qui tiennent. Notons donc que les 16 / 55 (ça fait beaucoup) sont les dindons de la farce.

[3] hors le nombre de zéros que lui, ou son interlocuteur, portent en horlogerie suisse au poignet.

[4] Et rappelle-toi... du rom banni au "salarié précarisé en squat" ou au "jeune dans la galère", il n'y a que la catégorie à modifier. Ce gouvernement sans plus d'imagination que de résultats, nous jouera séquelle sur séquelle. C'est la criminalisation du marginal tel que définit par le rentier, c'est à dire au final tout ce qui n'est pas comme lui, qui est en jeu.

[5] Regarde par exemple la presse papier que l'on dit sclérosée. C’est d’une logique implacable : elle livre dans sa majorité ce que son lectorat payant (et qui paye à part les vieux pour le nouvel obs ?) veut lire : la sécurité, la santé, la jeunesse éternelle, DSK, la gestion du patrimoine et la peur de la délinquance.

[6] Rappelons-le : la nouvelle tendance en matière de banlieue, ce ne sont pas les bandes mais les cambriolages entre voisins et les violences physiques, elles, concernent plus souvent les jeunes que les vieux.

27 juillet 2010

General Motors, d'un siècle à l'autre.

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Ami salarié… T’ai-je raconté comment je vénérai dans les années 90 les États-Unis, ce pays où l’on pouvait entreprendre sans frein, où l’on pouvait consommer 24 hours a day, où les centres commerciaux m'accueillaient bras ouverts le dimanche, où l’on pouvait dévorer ce que l’on voulait, partout et sans limite aucune ?

Je trainais alors dans une Californie d’abondance, celle de l'interminable vallée de banlieues pavillonnaires où s’étalait en maisons clonées ce qui me paraissait alors la quintessence de l’épanouissement humain : la classe moyenne idéale, avec ses deux voitures dans le garage et ses chaînes câblées, peuplant relaxée, de barbecues en matchs de foot, les productions Spielberg de mon enfance.[1]

Je mettrai plusieurs années et plusieurs visites dans l'autre Amérique pour saisir que :

1 / les États-Unis, c’est aussi grand et contradictoire que le concept de classe moyenne.

2 / si tu peux y entreprendre sans frein et rapidement, il n’y a également aucune fin à ta chute encore plus expéditive.

3 / Que consommer est relativement aisé quand tu "prévois" de régler en différé.

4 / Qu'une existence passée à la rembourser dans le stress, est un projet de vie tout pourri.

5 / Que l’opportunité (alors aisée) d’avoir un job sans sécurité ni garanties, à deux heures d'embouteillages de chez soi, quasi sans congés et globalement pas terriblement payé rapporté aux frais cachés américains (choses auxquelles, je ne faisais pas attention en France…), ce n'était pas si top.

6 / Que l'Amérique, c'est pété de pauvres et que l'esclavagisme n'y pas disparu, il s'est juste sophistiqué[2]

7 / Que je n'ai plus besoin d'y aller pour être dépaysé. En vingt ans, mon beau pays a rattrape à grandes enjambées son modèle américain mais en pire (La France subissant une poussiéreuse suprématie générationnelle renforçant les effets dévastateurs de cette cavalcade dans le mur).

Mon plus gros choc US reste ce séjour en 2004 à Détroit et dans son apocalyptique banlieue (taux de pauvreté hallucinant, chômage et clochardisation massifs, maisons qui s'écroulent, routes défoncées, abandon des missions de service public, bâtiments fantômes, magasins et parkings vides...). Ville plus grande en superficie que Paris et probablement plus pauvre que la plus pauvre des villes françaises, berceau des Big Three de l'automobile Ford, Chrysler et General Motors.

Faisons court (si,si). C'est à Détroit, Michigan regroupant alors la totalité des chaines de montage automobile du pays, que naît au début du siècle dernier le fordisme (travail répétitif à la chaine, standardisation couplé à ce principe tout bête de payer plus les salariés pour éviter qu'ils se barrent mais aussi pour qu’ils consomment : ce modèle de société qui nous a drivé jusqu'à présent).

Sur les lignes d'assemblage de Motor City sont conjointement lancés le travail répétitif à la con qui améliore la productivité[3], la société de consommation et l'intégration sociale par le standing via l'étalage d'objets manufacturés par le salarié (ou des gens à proximité payés au même tarif que lui). Ce modèle connaitra son apogée au lendemain de la seconde guerre mondiale. En 1953, les big three détiennent le taux soviétique de 93% des ventes intérieures de véhicules et le Michigan sera l'état américain au salaire médian le plus élevé, comptant le plus de propriétaires individuels. Les ouvriers de l'automobile y sont massivement syndiqués.

Limites du modèle : d'un côté, il exige toujours plus de consommation, de l'autre, l'avidité des humaine et la dérégulation mondiale embrasant le bazar dans le dernier quart de siècle, actionnaires et direction margeront de plus en plus sur la bête humaine.

Dés les années 50 les entreprises automobiles délocalisent dans le sud des USA, le coût du travail est moins cher et / car on y compte moins de syndicats. Face à la concurrence asiatique avec ses modèles moins gourmands en carburant, à partir des années 70, elles délocalisent tout court. Ce sera le début de la chute des big three qui n'ont jamais su réinventer leurs modèles au fil des années de crise.

(Détroit, General Motors autoplant, années 50)
(Détroit, une usine automobile, années 2000)
La crise de la consommation américaine accélérée par l'éclatement de la bulle des subprimes (la banlieue de Détroit, riche en pauvres, fut la première touchée) aurait du mettre une fin pure et simple aux big three et à General Motors déjà considérablement endettée.

Drivée par un management autiste, General Motors est depuis des années le symbole du déclin du Michigan. Après avoir englouti des milliards de dollars d'aides, cramé les futures retraites de ses employés à la bourse, elle sera placée en juin 2009 sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, de fait nationalisée par le gouvernement fédéral à hauteur de 60%, tandis que Détroit et sa région poursuivent leur agonie avec un taux de chômage "officiel" à 12.6 %, probablement du double.

Detroit : Ses trois buildings et son taux de chômage à 50%,

Depuis dix ans déjà, les équipementiers automobiles du Michigan licencient en masse avec bazookage des acquis sociaux sur fond chantage au chômage pour ceux qui restent.

En novembre 2005, le dirigeant le "local 651" du syndicat auto UAW chez Delphi, (premier équipementier de GM à se mettre en faillite), Russ Reynolds, déclarait dans le Monde :

" - Il n'y a plus aucune loyauté aux États-Unis envers les ouvriers et aucune loyauté des grandes entreprises pour ce pays. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre, l'enjeu est trop grand. Si nous acceptons de voir nos salaires amputés des deux tiers, non seulement nous serons dans la misère, mais toute l'industrie automobile suivra."

Ce n'était déjà pas l'avis de tous les syndicats à l'époque. Dans le même article, nous apprenions que Bill Jordan du "local 599" considérait lui que "une grève chez Delphi serait sans doute la fin de la société et conduirait aussi General Motors à la faillite, ce n'est pas dans notre intérêt" avant d'ajouter un "[General Motors] ne peut pas lutter contre la compétition en payant les retraites de 500 000 personnes. Dans les autres pays, cela est de la responsabilité des gouvernements.[4]" tout droit sorti d'un brainstorming patronal de crise.

Le plan de sauvetage de Delphi était lui aussi, limpide : licencier les deux-tiers des employés US, ramener les salaires des autres de 26 à 9 dollars de l'heure, en favorisant la division syndicale. Cela n'a rien sauvé du tout. 5 ans plus tard, fort de son propre sauvetage d'état : GM rachète Delphi.

You got the message ? D'un côté le sauvetage de la grosse compagnie GM, de l'autre le dégraissage dans les plus petites au profit final de la première. Quant aux chômeurs du Michigan : GM vivant ou pas, ils n'ont pour la plupart pas retrouvé d'emploi.

En 2009, le gouvernement fédéral conditionne son entrée dans GM à la cessation d'actifs et à des réductions de personnel. Comme pour Delphi, l'avantage non-négligeable d'être sous chapitre 11, est de ne pas avoir à rembourser les dettes et de pouvoir renégocier les avantages sociaux, sous ultimatum du genre "c'est la fin de tes congés ou la fin de ton emploi".

GM a licencié, liquidant ses filiales les plus encombrantes, réussissant (selon ses critères) son optimisation sociale en imposant une négociation idéologique à sens unique, basée sur l'engagement, le sacrifice, la dernière chance, à base de réduction des salaires, de suppression des retraites et des programmes de soins, tablant sur une soumission des syndicats, la trahison de leurs dirigeants, voire la disparition pure et simple de la représentation syndicale (on ne va pas s'emmerder non plus) comme c'est envisagé pour ses nouvelles usines "bio".

Ah oui, j'oubliai : depuis quelques mois, GM est bénéficiaire. Bagnoles, banksters et bingo commencent par la même lettre.
Et les salariés de GM Strasbourg là dedans ? Même méthode, même finalité :

Le jour de la semaine passée où, comme leurs collègues du Michigan cinq ans plus tôt, les salariés alsaciens de GM capitulaient à 70% face au chantage à la productivité mexicaine pour la reprise de leur usine par la maison mère de Détroit[5], la firme lançait une nouvelle marque low-cost en Chine.

Le temps d'opérer sa transition sur le marché asiatique où GM bénéficiera d'une "marque" qui fera triper, trimer et s'étriper 3 milliards de consommateurs qui, eux aussi, veulent croquer de l'american way of life vu à la télé, les européens et les américains, de par leur compétences et leurs quelques économies, sont priés de faire tourner le bousin au plus rentable.

A peu près au même moment où General Motors se félicitait de l'accord syndical de Strasbourg, tentant même une dernière salve, la compagnie annonçait à Wall Street le rachat pour 3.5 milliards de dollars d'AmeriCredit, organisme spécialisé dans la vente auto en leasing et le crédit voiture "subprime". On n'est jamais trop prudent. Appauvrir ? Pourquoi pas, si tes salariés ne moufetent pas et que tu contrôles le business des piécettes qui leur restent. L'automobile est toujours du point de vue des banques, des lobbys, des escrocs, de l'état des potes et des ponctions diverses, un best market.


Questions locales :

- Sur fond de baisse de l'euro, La France va t-elle conditionner ses relocalisations à la violente dégradation des acquis sociaux et des conditions de travail, s'orienter vers le tiers-monde social au nom du sempiternel "ailleurs, ils l'ont fait" ?

- Va t-elle, dans ce temps de latence attendant que le marché asiatique prenne massivement le relais de la consommation, poussivement tirer sa croissance en s'appuyant, comme les états-unis avant elle, sur la consommation à crédit pour pauvres ?

Dans les deux cas, par caresse ou chantage mais toujours en lui cachant la vérité, gouvernement et patronnât soumettent respectivement, le citoyen et le salarié à un discours carré, sans échappatoire, de sorte à ce qu'en permanence, croyant agir pour ses intérêts, épousant la logique binaire de la trique immédiate et de la récompense après, le citoyen-salarié renforce une pression dont il sera la seule victime.



[1] pour son succès le modèle US, comme le "modèle anglais" une décennie plus tard, nécessitant une pulvérisation publi-culturelle continue).

[2] c'est tout con, fallait créer des classes intermédiaires de la pauvreté, générant alternativement peur et condescendance chez celle du dessus).


[3] qui évoluera au fil du siècle en "jobs - non-identifiables mais cumulables - de merde".

[4] enfin, jusqu'à présent...

[5] gel des salaires, pas d'intéressement jusqu'en 2013 et une renonciation à plus d'un tiers des jours de RTT actuels.

23 juillet 2010

Prince au New Morning : Pourvu que tu sois encore en vie à l'aube

par
Le matin du 22 juillet, Prince créait l'évènement en distribuant son nouvel album gratuitement en kiosque dans l'édition du Courrier International. L'après-midi, je déambulai dans les rues de Paris écoutant la ballade de la plage 3, Future Soul Song, tout à ma rêverie : " Tiens ce serait fun si, pour la sortie de son album, Prince jouait cette chanson... ce soir... à Paris. Soyons fous puisque c'est un rêve."

Fou, il faut l'être parfois.

Rapport que c'est précisément ce à quoi j'assisterai quelques heures plus tard.


Chapitre 1 : Still Waiting

20h. Paris, Rue des Petites Écuries.

De la mêlée remonte un cri : " - Putain, c'est ma bite où la tienne que je gratte ?"

Depuis deux heures que la rumeur circule, aux portes closes du légendaire New Morning, le mood est à la franche intimité type boite à sardines. Quelques centaines de personnes qui perdent toutes notions des réalités financières et humaines dés lors que le mot "Prince" est évoqué, plus communément appelés fans, se compactent de bon cœur contre la plus belle porte rivetée de Paris.

« - Ouais y a le beau-frère au coloc de ma sœur qui a dit que Prince va jouer ici ce soir...»

« - Mais non, rien n’est sur. Là c’est Booker T sur scène alors tu vois c'est pas vraiment le trip. Peut être que les zikos de Prince vont passer taquiner du clavier mais rien n’est garanti. »

« - Et le ticket c’est combien ? »

« - T'es conne ou quoi, puisque je te dit qu'il n'y a pas de concert »

" - Ouais mais pourquoi t'es là alors ?"

" - Oh toi et tes questions stupides..."


« - Allez vous deux : soyez positives. Si on reste, il viendra. »

Malgré une température de 74 degrés, l’ambiance reste conviviale. Un inconnu me tend une bouteille de Tsin-Tao. Contact au corps et partage, telle est la devise du fan avant concert. Par chance, j'ai mon porte-clef décapsuleur (on ne ne le répètera jamais assez les gens : sortez couverts).

22h. Les riverains s'inquiètent. Quel carton ce concert de Booker T ! La gelée humaine déborde pour se répandre sur la voie en éclats de rires désespérés et autres "Hey ho ! Bordel poussez-pas devant !". Y a du pugilat dans l'air. Une vielle dame à sa fenêtre est prête à composer le 3615 Hortefeux. Les poubelles sont dégagées, les voitures peinent à passer dans la rue étroite, tout individu qui fait moins d’1m60 est irrémédiablement gobé vers le haut façon flamby par la masse avide de funk.

( "- Salut ça woerth ? C'est ici qu'il n'y a pas de concert ?")

Il en sera ainsi encore près de trois heures
dans l'incertitude et la chaleur, chacun vacant, dans une hypoglycémie naissante, à ses rêveries de piscine ou de magnum glacé, persuadé à chaque heure que la prochaine sera la bonne.

Minuit.

Quoi ! déjà quatre heures que je poireaute liquéfié contre le mur ? Ce blog porte bien son nom. Certains se découragent. Une malheureuse s'accroupit, nous ne la reverrons jamais. Stoïque je reste, d'autant qu'à la cantoche ce midi j'ai pris rab' de spaghettis et que j'ai de quoi tenir encore 17 jours, fredonnant confiant Future Soul Song[1]

" - Il va jouer vous dis-je : je le sais je l'ai rêvé" ne sachant à qui sont mes pieds, ces mains, la roulée que je fume par le nez, ma tête plongée dans une tignasse indéterminée risquant l'incandescence, ni même à qui je m'adresse.

Le taux de promiscuité tourne à 30 funky-quidams au m2. Je ne peux plus bouger le moindre membre, encore moins boire ma tsin-tao en ébullition.

1h57. Certains abandonnent écœurés ou pour cause de cage thoracique perforée.

C'est con.

2h00. La petite porte est enfin ouverte.

Un peu parti et peu nase je descends dans la boite de jazz[3]. Me voilà contre la scène alors que le pianiste Renato Neto termine la balance. La porte sera refermée quelques minutes après, plus personne ne rentre : y a eu du grabuge à l’entrée.


Chapitre 2 : All the critics love U in New Morning

2h20. Sa seigneurie pourpre traverse le petit club sous les acclamations et s'engouffre dans la loge derrière la scène pour en revenir quelques minutes après, costard noir et veste très prwète-a-porwtè. Cora Dunham, sa batteuse, entame le Stratus de Billy Cobham, Prince la rejoint à la guitare, électrique of course. La version matraque : elle dure 15 minutes.

Avec ce premier morceau, physiquement et moralement, le souvenir de l'attente s'évapore. Mon énergie et celle du peuple sardine sont totalement retrouvées. Sauf pour Erykah Badu, assise au bord de la scène et qui a l’air de s’ennuyer ferme. Quant à moi ça va. J'ai juste, allez, mon idole qui exécute solo de gratte sur solo de gratte à 77 centimètres, le tout dans un club qui a marqué sa carrière dans les années 80 [2]. Bref, je me sens tout chose. Et puis, très vite j'oublie tout ça, la musique du soir transcende les souvenirs, ainsi qu'à cette heure-ci, toute forme de pensée cohérente. Pas de passé, pas de futur, le présent.

" - What time is it ? It's time to get funky !"

De l’électricité, cette nuit il y en aura en surplus des deux côtés du micro. Ce concert "qui n’existe pas avec un Prince qui ne sera surement pas là", tourne à la soirée d’anthologie orchestrée par un maestro à ressorts.

J'avais parlé de princière mandale à Montreux en 2009. Ce 23 juillet au New Morning, c'est le royal uppercut avec option passage à tabac. Le peuple sardine a vaillamment combattu, dansant, chantant et hurlant jusqu'à ce que le soleil se lève. L’homme irrité par l’annulation d’un show à Genève se défoule sur nous. Il livrera près de quatre heures de concert. Prince va jouer, c’est le terme adéquat, avec ses musiciens et un public majoritairement constitué de fans hardcore.

Nous débutons sur 1 heure de gros son avec mise en avant de sa choriste Shelby J. (Baby love, I've never loved a man, Hair, Brown Skin), des bouts de morceaux inédits, mais aussi des superbes versions de Beautiful Strange (encore un très bon titre officiellement difficile à trouver) et Sometimes it snows in April puis s’enchaineront une série de rappels plus longs que le show principal ayant cette prodigieuse faculté de nous donner de plus en plus d’énergie. Tiens, Erykah Badu s'est barrée.

Rapporté à ses concerts de l'an passé, Prince a rajeuni de dix ans. Il danse, blague, saute, jubile sur la petite scène, s'approprie une basse de géant dont la sangle lui tombe aux pieds pour plusieurs morceaux.

3h30 ? Suivent une cargaison de jams improvisés devant une audience en totale communion, de ping-pong musicaux avec son groupe (ils sont parfois simultanément 3 aux claviers) ses choristes et l'harmoniciste français Frédéric Yonnet, des titres des années 80 qu’il joue rarement voire jamais (Purple Music mixé à All the critics, Still Waiting), des reprises de Sly Stone (Everyday people, I want to take you higher, Que sera sera), de Michael Jackson (Shake your body down to the ground), des Stones (Miss you), des morceaux plus rocks (Dreamer, The Ride), des titres intimistes presque a cappella (I love you but I don't trust you), des hits en versions revisitées (Kiss, Cream et un Controversy qui fait instantanément jumper "up and down" l'intégralité du club).

Cocktail de fatigue, de proximité, d'un cumul de bons gros grooves : le concert qui ne s’achève jamais est un rêve éveillé.

« - Putain mais c'est trop bon ! Tu te rends compte ? »
« - Ta gueule et kiffe ! »

("- Quoi ! c'est la seule photo de ta nuit avec Prince ?"
"- Heu, comment dire, je risque déjà gros là...")

Le show tourne parfois à la répétition studio. Prince apprend à Cassandra, une des claviers, à jouer la partition de "How come U don't call me anymore", le Ne me quitte pas du Minnesota. Apparente conclusion boule à facettes sur une reprise seventies de Sylvester "Dance (Disco heat)".

5h30 ou 29h40 whatever... it ain't over ! A ce stade, je ne compte plus le nombre de rappels, 4 ou 5. On a pris plutôt sévère au niveau esgourdes. L'estocade finale semble avoir été portée. Le club se rallume, on sent enfin planer comme une envie générale de se pieuter, le mouvement est même entamé par les organismes les plus défaillants. Et bien non. Body don't wanna quit, gonna get another hit. Le gamin de 52 ans revient pour la énième fois pour un medley au piano (Diamonds and pearls, starfish and coffee, raspberry beret, venus de milo) avant d’entamer ce morceau[4] qui m’a accompagné toute la journée : Future Soul Song.

Il termine son set aux 29 titres avec une très belle version de sa plus célèbre chanson. Notables exceptions, il a refait les arrangements et les termes du refrain "Purple" et "Rain" sont remplacés par "New" et "Morning".

Ce haut vol au dessus d'un nid de clubeurs atterrit en douceur dans un clair obscur, et une nappe de synthé, des samples de la forêt à l'aurore. La tornade nocturne a frappé Paris, version ultra localisée, force 10 sur l'échelle de l'after. Suants à grosses dégoulinades, en lambeaux, nous les dégueux sommes dans un état tiers. Comme pour l’arrivée, la salle ne disposant d’aucune sortie des artistes, Prince traverse l'audience qui lui fait une haie d’honneur. L'irréel tourne au mystique.

Les « Thank you Prince » pleuvent. Il est souriant, heureux, presque prêt à se faire encore quatre heures de gig à la même cadence. Mais bon, certains ici rembauchent dans 20 minutes pour 8 heures de turbin.

Il nous guide vers la sortie. Dehors, il fait jour. 6h18.

Certains d'entre nous, tentant de recomposer le puzzle, tout en soulageant crampes et lumbagos, comprennent enfin le sens du "May U live 2 see the dawn" qui ornait les pochettes des vinyles du Purple Yoda dans les années 80.

Pourvu que tu vives assez longtemps pour voir l'aube.

6h50. Devant le New Morning, à l'heure du ramassage des poubelles, un demi à la main, les témoins abasourdis aux vêtements gluants, douchés mais joyeux, peinent à se remémorer cette pure séquence de musique et de plaisir.

" - Colossal concert man !"

" - La légende des surprises princières continue !"


" - Ce sera dur à dépasser…"


" - ouais... jusqu’à la prochaine fois. "



Epilogue

8h15. Rue Reaumur, le rédacteur erre hagard et mort, ravi du nouveau matin : La rumeur, parfois, n'a pas tort.

* * *

[1] 20ten est un bon album. Pas l'album du siècle mais les mélodies sont obsédantes et il y a plusieurs très bons titres.

[2] Dans lequel il n'a pas joué depuis son aftershow de 1987 dont j'ai juste écouté 3121 fois la cassette audio pir... shhh.

[3] histoire d’oublier un peu le cours de ma vie.

[4] secondé au micro par une amie rouge qui se reconnaîtra
.

[update : 24.07.10 - 22.40 - photo / réglage bug html]


22 juillet 2010

Prendre aux riches pour donner aux pauvres ?

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Ce caïd de banlieue est formel : "C'est une responsabilité de l'état."
retrouver ce média sur www.ina.fr


Prendre aux riches pour donner aux pauvres ? Vingt ans plus tard, nous avons la réponse.

C'est l'inverse qui se passe.

Et la banlieue ? Au gré des affaires qui s'accrochent, des casses en huis-clos et des campagnes qui débutent dans la chaleur de ses faits-divers, depuis huit ans, on lui déclare régulièrement la guerre.

19 juillet 2010

La martingale méxicaine

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Intéressant article du Monde ce matin sur une situation aux allures de dilemme de type "ça passe ou j'me casse" où, une fois de plus, la soumission de la victime est l'invitée d'honneur au bal des dominants :

Un des anciens plus gros sites industriels français General Motors à Strasbourg voit son destin suspendu à l'acceptation par ses salariés d'un plan de sacrifices sociaux (par MLC, gestionnaire en charge de liquider les actifs de GM), dans le cadre d'une reprise par cette-même société (qui s'y connait en optimisation vu qu'elle a déjà viré la moitié des effectifs en dix ans et l'a laissée en déshérence depuis sa chute, GM est depuis nationalisé.)

Dans l'argumentaire, l’entreprise est mise en compétition avec un des sites mexicains de la compagnie.

Le Mexique, arrière-cour tiers-mondesque qui paye rubis sur l'esclave sa proximité avec l'opulence californienne à crédit, est un pays réputé pour la générosité de ses salaires, son respect du travailleur et sa bienveillance patronale en terme de mutuelles, de redistribution et de soins.

Bref, du gode libéral king-size.

Et comme le bonheur ne vaut que s'il est partagé, le plan "salvateur" table sur un large consensus syndical.

"«- Pragmatiques, les élus CFDT de Strasbourg considèrent que le retour de l'usine au sein de GM serait "une bonne nouvelle". Car "si on leur dit non, ils iront voir ailleurs. Et notre avenir sera sérieusement compromis", analyse M. Ruhland, secrétaire général CFDT du comité d'entreprise. En conséquence, la CDFT s'est attelée à "trouver une solution pour faire baisser la masse salariale de manière à ce que ça fasse le moins mal possible aux salariés". »"

Sans déconner ?

Un sou est un sou : ta prochaine cotisation CFDT, envoie-la directement au Medef.

Un porte-parole du site que j’imagine le nez dedans, endetté jusqu'au coup, avec une visibilité à court terme d'une poignée d'euros, le tout dans une région sinistrée, ajoute :

""GM Company ne nous a jamais demandé de travailler comme les Mexicains, mais plutôt de faire un effort pour réduire l'écart avec les coûts pratiqués là-bas" (tu saisis la nuance, moi pas) [...] "En contrepartie, GM a pris certains engagements, en garantissant notamment que, si l'usine devait fermer d'ici à 2013 faute d'activité suffisante, la direction rembourserait aux salariés les efforts consentis", ajoute le porte-parole."

Toute ressemblance avec une histoire de pneus et de promesses dégonflées qui a fini au tribunal pour cause de passage nerveux à la sous-préfecture de Compiègne de quelques salariés trahis, serait fortuite ou involontaire.

Annonçons tout de suite la couleur de l'hypothétique remboursement des efforts certains : un gros coup de pied au cul avec, au mieux, une boite de chocolats Lidl dédicacés « work harder sucker » et pour les plus de 50 ans, une carte platine Pole emploi, membre donné.

Mais retournons au Monde :

"Pas question de réduire les effectifs, ni d'accepter des baisses de salaire brut, dans une usine où "les gens sont plutôt correctement payés", selon le syndicat [CFDT]. L'idée est plutôt de rogner sur différents avantages, comme l'intéressement, les cotisations patronales à la mutuelle de santé, les subventions au restaurant d'entreprise, ou sur les journées de RTT, dont sept ou huit (sur dix-sept par an) disparaîtraient."

Ah bah ça va alors. S'il n'est question QUE de faire une croix supplémentaire sur des acquis sociaux, on ne va pas se plaindre non plus.

Le projet de reprise est soumis ce jour à l'ensemble des syndicats, seule la CGT a appelé à voter non.

Au-delà du cas GM : il est bien sur question ici de l'exemple donné aux autres salariés.


* * *

S
ous réserve que tout ceci ne soit pas une gigantesque entourloupe pour préparer le terrain à un joli LBO...


[Edit 20.07.2010 - 12.00 - Les salariés de General Motors Strasbourg ont approuvé à plus de 70 % le plan de reprise de leur employeur, conditionné à un gel des salaires sur deux ans et à une renonciation des jours de RTT. ]

15 juillet 2010

[video] la société de la corruption

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12 juillet 2010. Quelques minutes avant le sarkopiposhow d'été d'un magnanime souverain[1] mis en condition par l’homme qui tua Vérité Relance, quelques blogueurs rencontraient Séverine Tessier, fondatrice de l’association Anticor.

Anticor est une association regroupant élus et citoyens contre la délinquance en col blanc, spécialisée dans l'alerte des conflits d'intérêt dans la classe politique. Elle a déposé deux plaintes en 2009 : contre François Pérol, ancien conseiller du monarque et nouveau pilote du lobby bancaire, pour prise illégale d'intérêt et une dans l'affaire des sondages de l'Élysée.

L'entretien a gravité autour d'un thème souvent abordé sur ce blog : l'insistance de notre gouvernement à livrer clés en main, via la législation et / ou le démantèlement de services publics, des populations à des entreprises privées, si possible gérées par des proches de ce même gouvernement.

Vous retrouverez des analyses de cette rencontre sur Piratages, Intox2007 et chez Sarkofrance.

Voici 4 extraits en vidéo...

Extrait 1 :

"Le stade ultime de la corruption : la corruption démocratique" Durée : 7.30

- La banalisation des conflits d'intérêt : De la grippe A au Woerth-Bettencourt en passant par les jeux en ligne.

- L’importance de la fraude fiscale en France (évaluée à 50 milliards). Hormis du symbolique et annonce médiatique Woerthienne du type "je suis l'ennemi public n°1 en suisse". Rien n'est fait. Au contraire. Depuis l'arrivée de ce gouvernement les fuites fiscales sont plus abondantes que jamais tandis que, dans le respect du choc d'austérité (ce booster idéal pour retourner au précambrien social), les plus faibles se voient ratiboiser leurs aides au nom de la rigoureuse rilance képasdelarigueur.



Extrait 2 :
"Ré-instaurer les contre-pouvoirs" Durée : 5.00

Face à une démocratie vérolée de l’intérieur, dépénalisant peu à peu les affaires, "c'est le corps social qui réagit..."

La société glisse vers l’impunité juridique et idéologique de la délinquance politico-financière. La tolérance envers "les affaires" étant inversement proportionnelle au niveau social des individus, les plus pauvres sont les plus dégoûtés.

Dégoûtés et non révoltés, la nuance fait la différence.

"Taxer les pauvres" et les culpabiliser tout en leur distillant de la logique libérale par tous les canaux de contrôle médiatique ne suffit plus : il s'agit de les écœurer du débat public, le fatalisme renforçant la mécanique de corruption.

Dans le même temps, conséquence de l'abandon de l'état, de l'individualisme et d'une paupérisation croissante : la corruption se généralise sur le terrain et s'insinue dans nos esprits. D'où l’importance de la dénoncer au niveau local (outils de diagnostics indépendants, expertises objectives, conseils citoyens, interpellation par les députés, dépôts de plaintes…) : le champ d'action le plus accessible.




Extrait 3 :
« La corruption érigée en dogme » Durée : 4.00.

- Retour sur la dimension culturelle de la corruption basée sur notre asservissement à la logique de marchandisation généralisée.

- De l’importance de s’intéresser plus aux corrupteurs qu'aux corrompus (rarement le cas dans les médias et pour cause, les corrupteurs sont souvent les annonceurs.)



Extrait 4 :
"Incompatibilité des fonctions et inéligibilité des politiques avec casier judiciaire."
Durée : 4.00

Pour S. Tessier, la désaffection du vote est du en grande partie à la perte de crédibilité des politiques, au travers des affaires et autres condamnations classées sans suites électorales par leurs partis (...si ce n'est que ces candidats perdent de plus en plus souvent).

Selon le Cevipof, en 2006 : 60% des français jugeaient leurs élus corrompus.

Un retour à la légitimité de la classe politique passe, entre autres, par une liste d’incompatibilité des fonctions (le cumul des fonctions est souvent plus préjudiciable que le cumul des mandats) et un principe d’inéligibilité des candidats déjà condamnés. C'est loin d’être le cas aujourd’hui.




En attendant un retour plus actif du blog, avec un jour de retard, voilà une façon plus instructive qu'un défilé avec chars et Carla de célébrer la fête de sa "république irréprochable" qui est la notre.

Ils se servent de la démocratie comme accélérateur de business, certes.

Qui leur a laissé la concession ?

Qui peut leur reprendre ?



Merci à O_live et Séverine Tessier pour cette rencontre.

Référence citée : «Les discrètes vertus de la corruption » Gaspard Koenig, 2009, Grasset

* * *

[1] Pas la peine d'en faire un billet : tout individu rationnel aura fort normalement été atterré par la cascade de mensonges et des contrevérités déballés, avec sa légendaire syntaxe de salle de garde et l'assurance des grands jours, par un monarque se la jouant solide mais décontracté (mais peinant à inspirer l'un ou l'autre chez le quidam aux sens non-atrophiés).

L'allocution Berluscono-ceaucescuienne avec charentaise journalistique
embedded n'était juste pas nous. Elle s’adressait à son camp qui, lui aussi, montre quelques signes de désenchantement mais garde un faible (La droite, what else ?) pour les réponses concepts s’emboîtant tel un Duplo dans un dentier à sa vision pépéro-sécuritaire d'une retraite dorée avec monte-escalier automatisé et assistants d'autonomie à domicile.

Oui, le camp de la France moderne a 65 ans d'âge moyen.

L’affaire Woerth-Bettencourt le secoue à peine. Au fond, les passe-droits, le favoritisme, les clans et, grosso modo, l'avarice et la cupidité l’animent (notre monarque l'a d'ailleurs rappelé).

Il a donc parlé à son camp à cran en méprisant le reste des français.

Rassurez-vous
les autres : D'autres appeaux, type je n'augmenterai pas les impôts, sont dans les tuyaux.

11 juillet 2010

[video] Karachi, l'enquête impossible

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Attention : une affaire peut en cacher une autre.

Alors qu'émerge une nouvelle histoire de sous-marins certifiée OK par le monarque, Mediapart vient de publier une vidéo résumant le débat sur "l'affaire Karachi" (contrat de vente de sous-marins au Pakistan en 1994 qui s'est soldé par la mort de 11 français en 2002) organisé le 30 juin 2010 à la maison des Métallos.

Olivier Morice, avocat des familles, pointe le manque d'indépendance du parquet.

Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme, (les journalistes de Mediapart dont les révélations et les documents publiés contribuèrent à réorienter l'instruction sur la piste "cruellement logique" des retro-commissions à laquelle serait liée E.Balladur et son ministre du budget de l'époque), font part des obstacles rencontrés lors d'une enquête relative à la vente d'armes par l'état français : "le trou noir de la république"

Magali Drouet, fille d'une des victimes de l'attentat, révèle la récente proposition de la DCNI.

Bernard Cazeneuve revient sur la mauvaise volonté des ministères contactés et le désaveu de dernière minute du président de la mission parlementaire dont il était le rapporteur, au simple fait que le député ne validait pas à 100% la thèse d'un attentat signé Al-Qaida.

"Il parait que tout cela, c'est des comportements normaux de la part de gens sereins à l'égard d'une affaire qui n'en est pas une."



Vous trouverez sur Mediapart, un dossier + un documentaire sur l'affaire ainsi que les revues de presse et vidéos sur le blog karachigate.

Porte Maillot, le ticket de métro est plié

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Palpitant récit de voyage incluant des éléments de dénonce et une pointe de misanthropie parce que c'est la vie. Pour toi le parisien ignoré des médias qui, par tact et parce que tu crames déjà l’intégralité de ton indigente paye en loyer, a choisi de prendre tes quartiers d’été dans ta salle de bain, enfin ta pièce d’eau, enfin ton évier.


- 1 -
à bord... le métro.


Pierrick n’est pas un bon vivant du métro de Paris.

En station : Des couloirs bas de plafond avec virages en épingle sur 16 niveaux avec échangeurs aux fétides bourrasques tièdes. Parfois il s’y aventure sans casque intégral, esquivant, entre les agressions publicitaires pour le crédit à 400 calories, le régime à 17% ou le string pour homme bio mais discount kelbutt (mais pas pour la clope c'est mal), les flux épars et ininterrompus des lugubres d'organigramme, hiérarchiquement modifiés. Pressés d'en finir avec l'endroit, ils filent droit tout à leurs pieds, bouffant du Nugget, scotchés à leur Heil-phone pour y déballer du PQ virtuel, youpi youpi c’est cool la 4G, ou mieux, les trois à la fois avec en sus le SMS à chouchounnet.

Dans le wagon : C'est pas l'euphorie non plus. Également pensé pour une population de moins d'un 1m 80, on s'y entasse à 250 dans des bétaillères conçues pour 12.

Pierrick y geint à l'unisson des silences, au gré des brusques coups de freins avant les arrêts en station (au choix : interminables ou éclairs). A l’heure matinale de l’embauche des cadres gris allant s’empiler dans leurs tours de marbre ou, en soirée, le pif dans les aisselles salariées : il feint le zen et la transparence comme ces congénères aux yeux de flétan novocainé.

Mines enfouies dans leurs gratuits d’info uniforme
, tous prient pour ne pas lâcher la barre centrale et aller s'emplafonner un clone sur strapontin. Ça la foutrait mal : Faudrait se fendre d’un « excusez-moi » pouffé sous les soupirs de mépris de ses pairs matés qui, eux, savent se tenir en société.

Que dire de l’ambiance audio ? Rien que l’on ne puisse entendre. Les sifflements nasillards et entremêlés des Ore ane Bé gerbés des baladeurs, les rires de touristes sur des blagues en brésilien peinent à poindre au-dessus des crissements métalliques vrille-tympans, sur saccades accélération-freinage, des rames harassantes.

Pour varier les supplices, matin et soir dans une rame sur deux, s’incruste une bourrée ouzbèque ou un folklore roumain directement trompétés dans le crâne du ballot prisonnier. Et alors que ce serait à lui d’exiger un remboursement pour la torture à alibi culturel : le troubadour maitrisant le solfège comme Pierrick la polka insiste pour sa pièce !

Mais, dans le métro, ce que Pierrick redouble plus que tout c’est le pittoresque, l’impromptu, la beauté du geste : le " - hey, fils de pute ! T'as pas un euro ?", la glissade sur boules de glace ou le type qui fait caca sur ses converse. Ça et la propulsion de voyageurs sur les rails par du désaxé au moment où la rame rentre en quai [1] : c'est le hype de la déconne underground !

Le bref aperçu de la peine que lui inspire le voyage souterrain ne serait rien sans le nec plus parigot en matière de débilité des profondeurs : Les passagers qui montent dans un wagon plein sans laisser descendre ceux qui veulent en sortir, avec ce petit plus aux jour d’étuve :

MONSIEUR CONNARD"- Oh mais vraiment alors ! vous ne pouvez pas nous laisser monter à la fin !"

Pierrick se connaît. S’il prenait plus souvent la maudite mécanique, cela finirait tôt ou tard à la Michael Douglas dans Falldown. A moins que comme les autres, il réussisse à atteindre l’ultime sagesse de l'urbain endurci qui, patafixé à la soumission, n’en a plus rien à foutre de rien.

La promiscuité rend les gens mauvais et aucune victime, aussi bonne simulatrice soit-elle, n'échappe en ces lieux d'intimité forcée à la bassesse des idées concernant son prochain. Le métro est un monde concentré, de la boule de haine refoulée qui, lorsque les regards de charbon ne suffisent plus, laisse gicler son pus. Ne croyez pas ceux qui vantent ses bienfaits : ils voyagent en taxi.

Par-delà le réseau rance, lors de ses décentes de plus en plus espacées ne nécessitant ni passe ni nave ni go, Pierrick constate une radicalisation du management couplée à une hypocrite communication autour de ce qu’il appelle « la discrète mais déterminée disparition du ticket de métro par auto-persuasion du client pressé».

(souvenirs de jeunesse)
- 2 -
L'agonie du billet

Antique semble cette époque où l'on pouvait garder son ticket de métro dans la poche de son short, faire le tour du monde à la nage par les océans et l’utiliser cinq ans après, passer le portique comme au premier jour pour s’offrir un princier Pont de Sèvres - Mairie de Montreuil.

Age barbare où Pierrick se levait du canapé pour passer de la première à la deux sur sa télé à tube où pourtant son ticket de métro résistait à tout, indestructible qu'il était. Quand bien même il fatiguait (après un petit passage à la machine à laver ou par suite de roulage en paille à sniffer), on pouvait encore l’échanger contre un modèle neuf auprès d’une guichetière dévouée.

C’est venu insidieusement. Depuis quelques mois, les tickets en papier de Pierrick, achetés par carnet ou à l’unité, le bloquent aux portiques. Dans le même temps, sous la capitale les guichets humains ont fermé boutique, remplacés par du DAB robotisé où le stressé peut aussi recharger son pass' à puce.

Pierrick a d'abord imaginé que s’ourdissait une opération « rendons tous le monde coupable en faisant du flag » avec recrudescence de contrôleurs, payés au chiffre, planqués derrière les portiques coincés et enjambés par le voyageur excédé d'avoir un billet tricard qu'il ne peut modifier pour cause d'absence de guichet.

Il y a deux mois de cela, alors qu’il embarquait pour une odyssée dans le 14e arrondissement avec sa crème solaire et son Lonely Planet spécial « les bons plans pour marcher dans Paris en évitant les bites en fer, les scooters, les échafaudages, les kiosques, les kat-kat de seniorettes à clopes et GPS, les sanisettes, les taxeurs de thune, de clopes et les terrasses de troquets new-age dégueulant leurs bobos jusque dans les couloirs de bus remontés en sens interdit par des velib pilotés par des non-voyants sourdingues. », Pierrick quémanda en toute simplicité à l'unique guichet de la Porte Maillot un carnet de 10 tickets.

L’agent d’information (c’était la nouvelle définition du guichetier) lui annonçait alors :

L'AGENT D'INFORMATION
"- Un ticket de métro ? On ne vend plus de ça ici."

Il lui pointa du doigt un DAB limitrophe et consentit même à sortir de son office pour lui indiquer le fonctionnement du robot à débiter du coupon. Visiblement, l'agent avait reçu une formation sur le sujet.

"- C’est donc ça la modernité." Pensa Pierrick.

Diantre qu’il était loin le temps du poinçonneur et des contremarques, des vérifications et des oblitérations manuelles avec un agent à chaque rame.

«- Paris a perdu de sa superbe» Philosopha t-il, s'apercevant un peu tard qu'il stationnait les deux pieds dans une flaque de pisse commençant à lui imbiber les chaussettes.

Les semaines suivantes, à chacun de ses voyages en ubuesque Dédalie, ses tickets papier achetés à l’unité ne fonctionnèrent jamais, ou presque, aux portiques.

(souvenir d'adolescence)

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L'arnaque à l'aimant.

La semaine passée, au hasard d’une petite station encore épargnée par la refonte des services et non saturée de touristes égarés, Pierrick changeait encore ses tickets au guichet. On lui répondit, cette fois agacé, que la procédure interdisait désormais d’en changer plus de deux à la fois, que tout cela c’était la faute à « la démagnétisation » des billets à cause des clefs, des CB, des téléphones et des baladeurs, bref toutes ces maléfiques artifices qui n’existaient pas avant les années 2000, ère obscure où le ticket papier ne plantait jamais.

Se montrant un peu trop insistant sur la nature des démagnétisations à base de " - Si les tickets déconnent à cause d'Apple, c'est Windows qui a planté la mise à jour pour les rames à la bourre ? " Pierrick se vit délivrer le petit fascicule à schémas, édité par la régie pour les neuneus et les chieurs dans son gabarit :

« Votre billet est démagnétisé ? Que faire ? »

Il y est inscrit que "La RATP étudie actuellement avec ses fournisseurs la possibilité de renforcer la résistance des pistes magnétiques contre les aimants." [2]

Le fascicule ne répond aucunement à la question mais offre ce double avantage marketing 1 / de donner une excuse "naturelle" aux redondantes anomalies : la démagnétisation. 2 / d'en faire reporter la faute ni aux usagers ni à la RATP mais à ce monde cruel, trop perfectionné pour le papier.
Ces mensonges à aimant commençaient à le faire tiquer.

Et voilà notre homme, il y a quelques jours de cela, contraint par la météo de s'engouffrer dans le métro. Ritournelle désormais classique : il est bloqué au portique avec son billet bugué.

Vite, trouver un guichet ouvert et échanger contre de nouveaux billets.

Alors que derrière lui ça file à toute berzingue au navigo, la procédure manuelle de l’échange de billet tourne à l’analyse moléculaire d’une scène de crime dans les experts, avec consultation de code, force soupirs et écriture au stylo sur la pièce incriminée avant que Pierrick ne soit invité à passer hors portique avec son nouveau coupon, ce qui en dit long sur la confiance de l'agent dans l’opération.

Une heure après, de retour dans le métro, confiant dans la robustesse de ses tickets fraîchement permutés, Pierrick bute à nouveau au portique avec son billet âgé d'une heure.

Soupirs et exaspération en tunnel.


(les gens sont méchants)

- 4 -
Le ticket de métro est plié.

Telle la rigueur inavouable, Pierrick lit entre les lignes : la régie des transports parisiens programme la fin du billet physique mais tourne autour du pot, tablant sur l’écœurement des derniers résistants du ticket en papier pour convaincre le populo d'acheter son pass automatisé avec abonnement.

Cela permettra à la régie d'augmenter ses tarifs (ah bah oui, vous êtes contre la modernité vous ?), de supprimer des effectifs (notons qu’ici les victimes collaborent activement au processus. On a connu le personnel de la régie plus virulent dans la défense de ses intérêts), d'éviter les engueulades physiques (vu la dégradation du trafic, c'est plus prudent) mais aussi de ficher individus et déplacements.

Pour ceux persuadés que l'automatisation généralisée fluidifiera le trafic, souvenez-vous qu'il y a un secteur qui ne coûtera jamais rien à l'entreprise et sur lequel elle pourra toujours marger, c'est votre patience.

Passes ou papier, les files d'attente comme les rames bondées ont un bel avenir.

Pour le reste, il suffit de vous inciter par petites tapes à suivre les rails de la consommation correcte.

Pierrick a raison : le métro c'est le monde en concentré.




Illustration : Marc Hernandez

[1] Y a t-il plus con comme mort que mourir dans le métro en allant au boulot ? Oui. Mourir dans le métro en rentrant dans sa journée de merde au boulot... le nez dans Direct soir.
[2] Mais manque de bol à force d'expériences scientifiques, la régie les démagnétise de plus en plus vite.

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